La septième édition de Photo Phnom Penh, par ailleurs fidèle à son engagement originel d’échange entre créateurs asiatiques et eu-ropéens et de soutien à l’émergence d’une scène photographique locale connaît deux changements majeurs
Au niveau structure tout d’abord. Afin d’assurer la pérennité du fes-tival dans une période économiquement difficile qui entraîne une réduction spectaculaire des possibilités de financement public, une ONG de droit cambodgien, Photo Phnom Penh Association a vu le jour, animée par de jeunes cambodgien et présidée par Sylvia Sisovath. Elle est désormais l’opérateur du festival, en par-tenariat avec l’Institut Français du Cambodge, interlocuteur historique qui s’engage de façon significative dans tous les aspects du festival. Le rôle de l’Association, outre l’organisation pratique de la manifestation, sera la recherche de nouveaux partenaires, aussi bien locaux que des fondations étrangères qui pourront aider également au développement des actions pédagogiques. Malgré une mise en route techniquement complexe et grâce au soutien de l’Association des Amis de Photo Phnom Penh, structure française régie par la loi 1901, de premiers résultats permettent d’envisager l’avenir avec davantage de sérénité.
Changement de date également, avec un festival qui débutera dé-sormais le dernier weekend de janvier afin de tenir compte de la multiplication des manifestations culturelles locales sur une scène qui devient chaque jour plus riche.
Un effort tout particulier se porte sur le développement des expo-sitions dans l’espace public. Outre le mur de l’Ambassade de France, spectaculaire et historiquement rattaché à la création même du festival, le mur de l’ambassade de l’Union Européenne accueille les résultats d’un concours organisé par l’organisme quand le Quai Sisovath, près du fleuve, toujours aussi populaire, développe trois ensembles d’auteurs. Importante nouveauté, le fes-tival investit cette année l’Ile de Koh Pich ( Ile du Diamant), devenu un étonnant espace symbolique des transformations radicales de la ville et l’un des lieux de rendez-vous de la jeunesse de la capitale. Cela n’empêche évidemment pas la fidélité des galeries privées, de l’Université Royale des Beaux Arts, de l’Université Royale de Phnom Penh, de l’Institut Français du Cambodge qui, depuis 2008, ouvrent leurs espaces au festival. Un effort tout particulier, via conférences, projections et interventions est fait en direction du public universitaire et scolaire.
En termes de contenu, guère de changements sur le fond, mais avec des artistes nouveaux. La scène cambodgienne, avec des premières expositions nées dans le cadre de l’enseignement au Studio Images et la présentation du projet abouti d’une ancienne élève de cette petite structure qui réunit chaque samedi sous la responsabilité de Mak Remissa et Philong Sovan les jeunes qui veu-lent s’exprimer avec l’image fixe. On retrouve, sous des modalités diverses, les questionnements identitaires et de mémoire, sociaux, esthétiques qui traversent la création aujourd’hui.
L’élargissement au niveau régional est tout naturel, avec deux ar-tistes thaïlandais, pour la première fois une jeune népalaise, un auteur de Singapour et, venus de Taiwan et de Chine, des artistes confirmés.
L’Europe est présente dans sa diversité de propositions esthétiques avec un contingent français fourni et aux travaux alliant réflexion et approche ludique. Tout comme la Suisse, les Pays Bas, l’Allemagne et le franco- marocain Hicham Benohoud.
2015 est, au Cambodge, une date symbolique : quarante ans après l’entrée des troupes de Pol Pot dans la capitale en 1975. A l’Institut Français, Mak Remissa, qui avait 7 ans à cette date, rappelle au moyen de mises en scène réalisées avec des papiers découpés que Phnom Penh fut vidée en trois jours de ses habitants. Kim Hak, né après la libération de la ville, rappelle de façon bou-leversante au travers de natures mortes d’objets qui furent enterrés et interdits et qui réapparaissent aujourd’hui et de textes contant l’histoire de chacun ce que put être cette période de terreur. En face, le français Charlie Jouvet dresse le portrait de Phnom Penh aujourd’hui comme si le désastre se reproduisait : une capitale vide, dans des couleurs surexposées, des images qui ont du mal à se recomposer. C’est Phnom Penh aujourd’hui, marquée d’exorcisme.
Une façon aussi, de rappeler, sous ses multiples formes, les capa-cités de la photographie au temps de l’image en tous sens, pour affronter et comprendre mieux le réel, pour rêver aussi, sourire et partager des images d’aujourd’hui.