Créé en 2012, le prix photo Camera Clara est réservé aux artistes qui travaillent à la chambre photographique. Il récompense un travail d’auteur, inédit et présenté en série ou ensemble photographique afin qu’il puisse être jugé sur sa cohérence, tant sur la forme que sur son contenu.
A l’heure où un déferlement vertigineux d’images est offert à tous via Internet et représente une richesse indiscutable de communication et de partage , il est aussi incontestable – qu’à côté d’un échange démocratisé de contenus de valeurs – il s’est développé un « à tout va » photographique, très à la mode, qui a entraîné une confusion
entre le medium, sa performance et sa qualification d’artistique. Pour la créatrice de ce prix, Joséphine de Bodinat Moreno et la directrice artistique Audrey Bazin, il est apparu essentiel de se positionner en « contrechamp » ou plutôt hors champ des tendances et de faire l’éloge d’une démarche réfléchie et d’une certaine lenteur. En effet par le maniement même de l’appareil, ses contraintes spécifiques, l’artiste choisit de prendre son temps pour collaborer avec la lumière.
Ainsi revient-on à l’origine même de la photographie. Hélène Schmitz, finaliste de l’an dernier, motivait son choix du grand format en argentique par« le désir de travailler avec la lenteur d’un peintre, dans l’idée que le temps passé à faire exister une matière particulièrement dense est un temps nécessaire, celui de l’avènement de l’image ».
Il ne faudrait pas pour autant voir dans l’utilisation de la chambre, une ode au passé ou un procédé à tonalité nostalgique, les dossiers reçus le prouvent chaque année, le travail à la chambre est bien une recherche d’écriture de la lumière aux multiples options. Au delà des qualités de temps de pose, de contrôle des perspectives ou de netteté, les artistes ont en commun cette relation exclusive avec cette pratique et inventent grâce à elle des expressions particulières.
Cette année encore le jury a constaté avec plaisir le nombre de travaux singuliers. Par ailleurs, la renommée du prix s’est étendue comme en témoignent les dossiers reçus de toute l’Europe mais aussi des USA et du Japon.
« Attiré par le ciel qui s’illumine au-dessus de la forêt, je m’engouffre à la recherche de la provenance de cette orée fluorescente. En périphérie du monde urbain s’installe l’univers
éphémère des fêtes foraines vers lequel je me dirige avec l’appétit d’y trouver des formes d’appropriation inattendues. L’oeil dans la pénombre ne perçoit guère ce que le très long temps de pose de la chambre photographique va révéler. Je sollicite mon imagination afin de pressentir ce que la scène va offrir en jouant avec la part aléatoire du dispositif. L’enregistrement de la lumière et du mouvement des mécaniques foraines dévoile une fantasmagorie urbaine. Composé d’architectures de l’instant, ce monde n’existe qu’après sa révélation dans l’obscurité de la chambre et le temps long de la pose.
Dès lors, la lumière devient un artefact et les feuillages obscurs s’imprègnent progressivement de la projection lumineuse à la manière d’un film photographique.
En explorant l’envers du décor comme on visiterait les coulisses d’un théâtre ou d’un plateau de cinéma, je cherche à évoquer la mythologie contemporaine de la ville spectacle et la manière dont des environnements artificiels contaminent la nature…»
Né en 1976 et diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière, Cyrille Weiner vit à Paris. Son travail a été publié par des magazines internationaux (M Le Monde, Foam, British Journal of Photography, Artpress, l’Architecture d’Aujourd’hui, Domus..) et exposé au Musée d’Art Contemporain de Lyon, au Centre de photographie de Lectoure, aux Rencontres d’Arles, à la villa Noailles à Hyères, la galerie Laurent Mueller à Paris.
Cyrille Weiner a reçu le Prix Rodolphe Hervé et Lucien Hervé en 2012. Il est l’auteur de Presque île, éditions villa Noailles / archibooks (2009) et de twice, éditions 19/80 (2015).