Ce livre, conçu par Laia Abril, est la première publication de l’artiste en France.Il est publié à l’occasion de l’exposition « On Mass Hysteria » de Laia Abril présentée au BAL, à Paris, du 17 janvier au 18 mai 2025.
Ce livre d’artiste qui mêle photographies, textes et témoignages explore la thématique de l’oppression sociétale des femmes par la mise en abîme de milliers de cas de ce qui a longtemps été appelé « hystérie collective » [mass hysteria].
Ce phénomène, déclenché par de graves traumatismes, frappe des communautés étroitement soudées, confrontées à des situations de stress majeur. Ces groupes développent alors des symptômes soudains et dépourvus de cause physiologique, qui peuvent durer des mois : évanouissements, tremblements, fous-rires inextinguibles, transes… Comme à son habitude, l’artiste a travaillé en amont avec des anthropologues, sociologues, psychiatres pour tenter de comprendre l’origine de ces crises. À travers de nombreuses archives, Laia Abril montre leur formidable étendue géographique et temporelle. Des sorcières de Salem au xve siècle aux religieuses possédées convulsant, en passant par des écolières d’un internat mexicain qui perdent subitement leur capacité à marcher ou des ouvrières cambodgiennes qui s’évanouissent simultanément, Laia Abril étudie les circonstances qui mènent à cet état. Ces maladies psychogènes de masse, telles qu’elles sont aujourd’hui appelées, apparaissent comme une réponse commune à une souffrance collective qui, pour diverses raisons, ne peut être verbalisée, incarnant des traumatismes transgénérationnels, souvent ignorés ou minimisés par la société. Certains scientifiques les interprètent comme un protolangage que les femmes utilisent pour résister depuis la nuit des temps, sans en être conscientes.
Laia Abril interroge la conception occidentale, en particulier l’hypermédicalisation qui fait fi de la souffrance des femmes, et tend à négliger les explications fondées sur les croyances spirituelles et les forces de l’esprit. L’artiste cherche à déplacer l’analyse, d’un récit qui rend responsables les victimes, vers l’examen du rôle de l’oppression politique et sociale des femmes dans la manifestation d’une maladie collective.
Il s’agit à la fois d’un très beau livre d’artiste et d’un ouvrage militant, en prise avec l’actualité, qui aborde des sujets comme l’asservissement des ouvrières asiatiques pour combler nos sociétées occidentales ou le fléau des réseaux sociaux à l’adolescence.
Lancement du livre à Paris Photo, en présence de l’artiste.
L’artiste espagnole pluridisciplinaire Laia Abril (née en 1986) convoque dans sa pratique photographie, texte, vidéo, installation et documents. Diplômée en journalisme, elle étudie ensuite la photographie à New York. Son travail est exposé dans le monde entier et fait partie de nombreuses collections privées et publiques dont celles du Centre Pompidou à Paris, du musée de l’Élysée à Lausanne, du Fotomuseum Winterthur ou du Musée national d’art de Catalogne. Elle est l’auteure de plusieurs livres dont The Epilogue (2014), sélectionné pour le prix du Livre photographique Paris Photo-Aperture, le festival PhotoBook à Cassel et le PhotoEspaña Best Book Award. Son livre Lobismuller (RM, 2016) a reçu l’Image Book Award. On Abortion (2018) et On Rape (2022), publiés en anglais chez Dewi Lewis, sont les premiers volumes de son projet « Une histoire de la misogynie ».
En France, elle est représentée par la galerie Les Filles du Calvaire.