Il n’existe à ce jour qu’une seule monographie d’Anselm Kiefer, celle de Daniel Arasse publiée il y a quinze ans aux Editions du Regard, traduite en anglais et en allemand, et qui a fait l’objet de nombreuses rééditions, notamment en livre de poche.
Cette seconde monographie apparaît donc nécessaire si l’on considère le développement de l’œuvre de Kiefer – premier artiste plasticien nommé titulaire de la chaire de Création artistique au Collège de France – et les grandes expositions qui lui ont été consacrées ces dernières années : « Chevirat Ha-Kelim » à la chapelle de la Salpêtrière en 2000, Monumenta 2007 ou encore l’importante rétrospective de la Royal Academy of Arts à Londres qui s’est tenue à l’automne 2014. Outre ces grandes expositions, Anselm Kiefer a également réalisé la scénographie d’Elektra au Teatro San Carlo à Naples en 2003 et a créer un opéra intitulé Au Commencement (Am Anfang) à l’occasion des vingt ans de l’Opéra Bastille en 2009.
A l’automne prochain, deux rétrospectives majeures lui seront consacrées à Paris au Centre Georges Pompidou à partir du 15 décembre 2015 et à la Bibliothèque nationale de France à partir du 20 octobre 2015.
Cette seconde monographie permet à la fois de revenir sur les fondements de l’œuvre, en particulier son travail sur la mémoire – « mémoire sans souvenir » selon la formule de Daniel Arasse – qui s’inscrit dans une tentative de redéfinition de la germanité, existentielle pour cet artiste allemand né à la fin de la guerre et faisant partie de ce que l’on a appelé la « seconde génération ».
L’auteur, Dominique Baqué, revient sur un certain nombre de thèmes chers à Kiefer comme ceux de la kabbale qu’il explore avec la même persistance que ceux de la germanité. Elle rappelle entre autres les grandes œuvres littéraires ainsi que les différents mythes, contes et légendes qui nourrissent son œuvre. Elle s’attache également à explorer de nouvelles thématiques développées par l’artiste : sa passion pour l’alchimie, son admiration pour les grandes figures féminines occultées par l’Histoire ainsi que son rapport au paysage et à la nature, véritable sujet de prédilection de ses dernières œuvres.
Surtout, elle met en lumière un aspect totalement inédit de l’œuvre, à savoir sa dimension conceptuelle, essentielle pour appréhender le livre – cet objet si cher aux artistes conceptuels – et la photographie chez Anselm Kiefer. En ce sens, elle insiste également sur la part de performances trop souvent sous-estimé de l’œuvre, ou plus exactement d’« actions », dont les premières remontent à la fin des années soixante. Enfin, c’est à travers la photographie et la vidéo que Dominique Baqué met en évidence l’aspect « d’œuvre d’art totale » qui caractérise l’œuvre de Kiefer depuis plus de quatre décennies.