« Cette série est le fruit d’une conversation permanente que j’ai sur la notion d’appropriation. J’utilise fréquemment des fragments d’œuvres d’art classiques, des objets et des images combinés à des saynètes que j’imagine et photographie en studio. L’assemblage et le mélange sont intégrés dans chaque dessin, ce qui signifie que chaque oeuvre est composée d’éléments récupérés et inventés. Je réfléchis beaucoup à la notion d’appropriation dans ma pratique qui s’accompagne de l’évolution de mes propres considérations éthiques, de ce qui est bien, juste et bon. C’est un processus qui est, dans un sens, absolument normal et nécessaire pour créer et penser. Nous le faisons tous et c’est ainsi qu’on élabore de nouvelles idées. Mais cela me renvoie également aux modes d’appropriation culturelle et au vol pur et simple par les personnes, communautés et nations puissantes qui se sont emparées de ce qui ne leur appartenait pas.
Pour The Grand Theft, j’ai décidé de remettre en question cette pratique, de la tourner en ridicule et de réfléchir à son impact général dans l’histoire. Pour commencer l’histoire j’avais besoin de personnages imparfaits.
Mon duo fictif est déterminé à voler au monde pour son propre bénéfice. Deux hommes blancs, inconscients des conséquences, parcourent la planète et engloutissent tout ce qu’ils veulent. Nous les retrouvons vêtus de noir et blanc à la manière de prisonniers et rappelant la peinture abstraite du XXe siècle, en pleines frasques en train de piquer des peintures à tort et à travers, détourner des dirigeables, s’esquiver avec des fleurs rares ou se servir d’une trappe pour trimbaler des objets de l’est à l’ouest. Ils s’en moquent et s’efforcent d’atteindre leurs objectifs. Ils travaillent dur, mais ne se posent pas de questions quant à l’impact de leurs choix.
Je veux dire les choses, remettre en question mes propres choix, mon rôle d’utilisateur et d’appropriationniste, ma complicité privilégiée et mon sentiment que nous devons faire mieux. Je veux aussi rappeler qu’en examinant nos défauts, il ne faut pas en oublier de rire ».