Depuis 2016, la forêt de Bialowieza dans l’est de la Pologne est le théâtre de l’un des plus importants conflits environnementaux en Europe. Des lieux, protégés par l’Unesco depuis 1979 comme réserve de la biosphère et patrimoine mondial, sont menacés de destruction par le ministère de l’Environnement polonais, qui y mène une campagne de déforestation massive.
Durant plusieurs mois, Andrea Olga Mantovani a exploré cette forêt millénaire en cherchant à saisir les tenants et les enjeux de ce conflit. Dans son approche, la photographe alterne des images de paysages célébrant la force et la beauté d’une nature immuable et des clichés plus allégoriques. Elle nous renvoie à la complexité de cette crise, de la relation entre les concepts de nature et culture, et elle évoque de manière métaphorique certains aspects de l’affrontement qui oppose un gouvernement traditionaliste aux valeurs défendues par les militants écologistes. Dans ce travail, elle a cherché à rendre compte de ces rencontres, à porter par l’image la voix des peuples de la forêt, celles des luttes et des imaginaires, révélant ce qu’elles ont de commun et d’actuel. Et depuis là, pouvoir saisir, autrement qu’en éternelles victimes, la guerre qui nous est faite.
« Entrez dans la forêt…
Quelque part loin du tumulte des hommes, dans les plaines de la Pologne orientale, elle embrasse du regard les frontières de la Biélorussie.
Entrez dans la forêt la plus large et la plus ancienne d’Europe, coupée du temps, espace mystérieux, magique et fascinant que la furie des hommes et leurs sortilèges modernes avaient jusqu’alors épargné.
Entrez dans la forêt.
Nous sommes au début de l’année 2017, et elle frémit. Depuis quelques semaines, elle est le théâtre malgré elle du plus important conflit environnemental en Europe.
Des lieux jadis protégés par la loi polonaise, par l’Union Européenne et par l’Unesco sont menacés de destruction. Entrez dans la forêt.
À ma droite, le ministère de l’Environnement qui mène une campagne de déforestation massive avançant l’explosion du scolyte de l’épicéa et ses possibles ravages sur une grande partie du territoire.
À ma gauche, les environnementalistes qui redoutent la perte inéluctable du caractère naturel qui s’exprime ici depuis des milliers d’années.
Néanmoins, les chefs d’accusation sont plus compliqués qu’il n’y paraît.
Au cœur de cette “dernière forêt primaire”, deux visions du monde s’opposent : celle des anciens pays communistes, traditionnelle, conservatrice, et celle de la démocratie, libérale, citoyenne, écologique et hyperconnectée.
Entrez dans la forêt, respirez sa beauté singulière, ressentez sa force et sa fragilité.
Vous y trouverez, je l’espère, comme moi je l’ai trouvé au détour de ses méandres majestueux puis au contact de l’humanité hétéroclite qui l’habite, les questions essentielles sur ce lien ambivalent entre homme et nature, sur le sens du mot “désobéissance”. Des questions et peut-être quelques prémisses de réponses. »
Andrea Olga Mantovani Bialowieza Forest . 2017.2018