Pour la première exposition en Europe de l’artiste japonaisAkihitoYoshida,la Fisheye Gallery propose de vous faire découvrir The Absence of Two. Un voyage intime au dénouement tragique dans le quotidien de deux âmes sœurs.
Trente ans après le Sentimental Journey de Nobuyoshi Araki, Akihito Yoshida raconte en spectateur la complexité de l’âme humaine et des relations qui tissent notre existence. L’attachement fusionnel des deux personnages de cette histoire résonne en chacun comme un récit mythologique, dans lequel les mots et les actes disent les sentiments les plus forts au cœur d’une famille dans une petite ville rurale du sud du Japon.
L’exposition The Absence of Two sera également l’occasion de présenter une édition collector limitée à 5 exemplaires de l’ouvrage éponyme paru à 111 exemplaires puis réédité aux éditions Seigensha et Xavier Barral. Il s’agit d’un grand format signé, façonné à la main par l’artiste lui-même, avec une nouvelle sélection d’images et un tirage au platine palladium unique.
Deux workshops autour de la confection de ce livre seront dispensés durant l’exposition en petits groupes (100 €/personne) animés par l’artiste à la galerie les samedi 11 janvier et 14 mars 2020.
ENONCÉ
La ville de Kunitomi est située dans la préfecture de Miyazaki, sur l’île de Kyushu au Japon. Dans cette petite ville paisible entourée de champs vivaient ma grand-mère, Yukimi, née en 1928, et mon cousin Daiki, né en 1990. Parce que ses parents travaillaient, Daiki a été élevé par ma grand-mère qui a pris grand soin de lui depuis son tout jeune âge. Elle vivait avec lui dans la même maison et dormait près de lui dans la même pièce. « J’ai assisté à sa cérémonie d’entrée à l’école primaire. Toutes les autres mères étaient jeunes, je suis sûre que Daiki n’était pas très content d’être le seul à être accompagné par sa grand-mère. Je parie que les enseignants se demandaient aussi pourquoi sa grand-mère était venue », m’a raconté un jour ma grand-mère en me montrant son album photo. Il contenait des souvenirs de nombreux moments, de sa célébration shichi-go-san (littéralement « sept-cinq-trois », un rite de passage pour les enfants de 3, 5 et 7 ans) et de la cérémonie d’entrée à l’école primaire jusqu’à sa journée sportive. L’album était semblable à n’importe quel album de famille sauf qu’il ne contenait que des photos de ma grand-mère avec Daiki.
Pour elle, Daiki était tel un trésor qui lui avait été confié pour accompagner les dernières années de sa vie. Chaque fois que je rendais visite à ma grand-mère, elle avait des anecdotes à son sujet. À ces occasions, il était assis près d’elle et la regardait le sourire radieux. Pour Daiki, ma grand-mère était toute sa famille. Ces nombreuses années passées ensemble ont permis de tisser un lien au-delà de la relation habituelle entre une grand-mère et son petit-fils – un lien fort d’attachement et de confiance.
Daiki m’a dit un jour : « J’ai grandi enveloppé de l’affection de ma grand-mère, il est naturel que je m’occupe d’elle jusqu’à sa mort. » Mon cousin a tenu parole et est resté auprès d’elle alors qu’il poursuivait ses études d’infirmier. Jusqu’à ce que j’entame ma série photo, j’avais d’abord commencé par observer leur quotidien. La photo de Daiki à l’université, ou bien celle où on les voit tous les deux partager un moment de repos, assis par terre, à parler de choses et d’autres.
Mais aujourd’hui, chaque fois que je regarde ces images, des scènes en apparence ordinaires révèlent des moments précieux.
Cette histoire devait se terminer avec la disparition de ma grand-mère. Mais l’issue en a été tout autre. « Je me demande où il est allé? Il est sorti à moto et n’est jamais revenu ».
Fin février 2014, Daiki a soudainement disparu. Désemparée, ma grand-mère restait à la fenêtre à attendre que Daiki rentre à la maison. Près d’une année s’est écoulée sans qu’on sache où il se trouvait, jusqu’au jour où son corps a été retrouvé, mettant un terme à ses vingt-trois ans d’existence. Et comme pour suivre ses traces, ma grand-mère nous a quittés l’année suivante. Toutes ces photos, voilà ce qui reste de leur vie à tous les deux, ce temps passé ensemble à prendre soin l’un de l’autre, à s’entraider. J’ai retenu des images qui capturent des moments de cette vie quotidienne. C’est un moyen pour moi de leur tendre la main et de recréer une forme de lien avec eux.
– Akihito Yoshida
BIOGRAPHIE
Né en 1980,Yoshida Akihito a démissionné de son poste d’enseignant du primaire pour faire carrière dans la photographie. Depuis, il continue de produire des œuvres qui confrontent sérieusement les êtres humains dans leurs émotions. Ces dernières années, il a publié à son compte deux albums photos sur le thème « ce que signifie travailler ». Le premier, BrickYard (2014), est une série sur les travailleurs saisonniers d’une briqueterie du Bangladesh qui effectuent un travail manuel sans l’aide de machines. Le second, La tannerie, dépeint l’environnement de travail pénible à l’intérieur d’une tannerie, également au Bangladesh. Des images qui décrivent des conditions de travail difficiles mais toujours empreintes de chaleur humaine et d’une grande dignité.