« Memory n’est-il pas le mot que Jonas Mekas prononçe le plus, d’un ton joyeux, roulant le R à plaisir ? Lyrique, aimant, passionné, euphorique, c’est avec la légèreté d’un elfe qu’il se place au cœur de la scène dont il est, bien sûr, acteur et témoin, et les images de ses films, de ses « stills », essentielles au sens propre, me semblent proches de celles que la mémoire fixe en chacun de nous en films mentaux, comme les rêves… »
agnès b., septembre 1999
agnès b. rencontre Jonas Mekas en 1992 à l’occasion de son exposition à la GalerieNationale du Jeu de Paume. Débute alors une grande amitié doublée d’une complicité artistique qui se déploie sur trois décennies, émaillée de plusieurs expositions importantes à la Galerie du Jour. C’est notamment sur les murs de la galerie que Jonas Mekas montre pour la première fois en 1996 ses photogrammes aujourd’hui devenus célèbres. Ayant toujours filmé par brèves séquences avec sa caméra Bolex 16mm, il a l’idée d’extraire des images de ses films et d’en faire des tirages photographiques. Ces derniers sont le véritable noyau de ses films, l’unité de base comparable aux vers de la poésie.
Dans ce travail d’une très grande densité, tout un monde revit, un monde pétri de sensations mais aussi d’une conscience dramatique de l’Histoire. Né en 1922 en Lituanie, Jonas Mekas est forcé de quitter sa terre natale en 1944 à la suite des invasions soviétique et nazie. Il se réinvente à New York où il arrive en 1949 et devient le principal protagoniste du cinéma expérimental américain des années 60 et 70. Il est également un des co-fondateurs de l’Anthology Film Archives, cinémathèque où il promeut et conserve des centaines de films rares et indépendants. Celui qui considérait être né en tant que cinéaste après qu’un soldat russe lui a arraché son appareil des mains pour en piétiner la pellicule, développe une esthétique du fragment, du discontinu et de l’abstrait pour donner naissance à l’une des œuvres les plus sensibles de son temps sur le déracinement intérieur, l’exil et le passage du temps.
À la fois récit intime, documentaire et poème, l’œuvre lumineuse et radicale de Jonas Mekas, disparu en 2019, continue de témoigner de son attachement aux êtres, aux paysages, à la nature et aux saisons. A travers plusieurs séries iconiques, l’exposition Memories of Jonas Mekas permet de découvrir ou de redécouvrir le travail intime et puissant de ce grand poète du XXe siècle, amoureux du cinéma, de l’art et de la vie.