Avec son surréalisme, son humour vif et une approche radicalement nouvelle, Guy Bourdin a bouleversé la scène de la photographie. Qu’il soit éditorial ou publicitaire, son travail, caractérisé par une intensité dramatique et par un inlassable perfectionnisme, a brisé les conventions esthétiques. Le Centre d’art Campredon a la fierté de présenter l’exposition L’image dans l’Image, exceptionnelle plongée dans l’œuvre de Guy Bourdin, légendaire photographe et peintre.
Des générations de photographes et artistes visuels contemporains trouvent en Bourdin une source d’inspiration. Son influence, qui a traversé le temps et transcendé les flux et les reflux de la mode, inscrit son travail dans le contexte de l’art moderne.
« C’est Guy Bourdin qui m’a donné l’envie de faire des photos de mode. Je l’admirais, je le connaissais et je l’aimais, lui et sa manière d’être, tellement indépendants de tout et de tous. Il savait associer avec une telle liberté l’image et la marque pour laquelle il travaillait ! Le message servait de trampoline à son imagination. J’aimais sa fantaisie, son intégrité, son amitié. Il a donné naissance à un regard nouveau sur la mode, qui autorise désormais le photographe à exprimer ses sentiments, d’où son influence sur de nombreux artistes. » Sarah Moon
Man Ray, surréaliste et dadaïste, fut lui-même une importante source d’inspiration pour Guy Bourdin, et les deux artistes s’appréciaient l’un l’autre. C’est ainsi que Man Ray rédigea la préface d’une des premières expositions de Bourdin (1952).
Guy Bourdin s’est rendu célèbre par ses narrations suggestives et ses scènes surréelles. Il a transformé le banal en extraordinaire, piquant ainsi le subconscient et l’imagination de l’observateur. Il a mis au point une technique originale, qui crée des couleurs sursaturées, des jeux d’ombres et de lumières, des compositions étroitement cadrées, aux horizons surélevés. S’y ajoute un soin minutieux accordé au maquillage des modèles.
Aujourd’hui encore, la vision révolutionnaire de Bourdin imprègne la photographie de mode et publicitaire. Il a été le premier à accorder plus d’importance à l’image qu’au produit. Son habile recours à l’humour et au sous-entendu a éveillé l’imagination du public, dont il bousculait les attentes conventionnelles. En attirant l’observateur par ses énigmatiques narrations, soigneusement mises en scène, il est sorti des sentiers battus. Et ses campagnes publicitaires, comme par exemple la série Walking Legs pour les chaussures Charles Jourdan, ont fait immédiatement sensation.
Dès sa première photographie, publiée dans Vogue Paris en 1955, le style de Guy Bourdin a été instantanément reconnaissable. L’artiste exigeait une totale liberté de création, avec notamment la possibilité de ne rendre en vue de publication qu’un négatif recadré. Bientôt, ses compositions uniques et son utilisation des pages centrales lui valurent un profond respect.
L’image dans l’Image présente un grand nombre des œuvres les plus significatives de Guy Bourdin, parmi celles réalisées avec son modèle favori, Nicolle Meyer. L’exposition juxtapose des clichés emblématiques et des polaroids, qui apportent un éclairage sur le processus créatif de l’artiste et sur son talent visionnaire.
Pendant plus de quarante ans, le travail de Guy Bourdin a redéfini les limites de la photographie de mode contemporaine. Aujourd’hui encore, il inspire et enflamme les créateurs. Autodidacte, Bourdin consacra son existence à toutes sortes de quêtes artistiques. La photographie de mode lui servit de médium pour explorer des univers situés entre l’absurde et le sublime.
En 1985, le ministère français de la Culture décernait à Guy Bourdin le Grand Prix National de la Photographie, qu’il refusa en toute humilité. En 1988, l’artiste recevait l’Infinity Award de l’International Centre of Photography de New York. Il est décédé en 1991 chez lui, à Paris, à l’âge de 62 ans.
Inclassable, imprévisible, cultivé, doué de multiples talents… Guy Bourdin demeure une énigme.
Shelly Verthime | Commissaire de l’exposition