La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de proposer une carte blanche au photographe Thomas Klotz. Originaire du Nord de la France, Thomas Klotz s’est fait connaitre par un premier ouvrage paru en 2019 aux éditions EYD, NORTHSCAPE, consacré à une série sur les paysages péri-urbains de sa région, dans la lignée du mouvement américain des «New Topographics».
Poursuivant cette démarche explorative à l’égard de son environnement familier, l’artiste présente ici un travail récent intitulé I’ll never be young again, qui fera l’objet d’une publication au Printemps 2021.
Dans cette nouvelle série, Thomas Klotz aborde le thème de l’adolescence et de ses angoisses notamment à travers une évocation de sa fille de douze ans. Dénué de toute dimension narrative, ce portrait en creux prend forme dans des images anonymes, «exercices de ponctuation» où murs, volumes, matières, vides et ombres constituent autant de surfaces de projection, de commentaires silencieux. Fortement influencé par Lewis Baltz, Thomas Klotz porte en effet son attention sur le quotidien, le trivial, où la prise de vue s’apparente à une micro-saisie de ce qui, sous le regard du photographe, prend une épaisseur intriguante et singulière. Aussi, à travers le cadrage, Thomas Klotz se détourne de ce qui naturellemement attire l’oeil tout en en suggérant la présence, par le biais d’indices qui témoignent d’une vie prise sur le vif, à un point de bascule.
En contrepoint, la photographie de la jeune fille en pieds, regard braqué sur l’objectif, marque un retour frontal de la figure humaine dans l’oeuvre de l’artiste, qui tend toujours vers une sorte d’abstraction picturale. Ce portrait réunit un certain nombre de réminiscences visuelles, incarnant ce qui de manière plus ou moins cryptique sous-tend chaque image : attributs de l’enfance, résurgence du motif floral et de la couleur jaune, dorée, qui d’un point de vue métaphorique renvoient au caractère éphémère de la nature, et par extension de cet âge transitoire («Nature first green is gold, Her hardest hue to hold, Her early leaf’s a flower; But only so an hour.»*). Thomas Klotz parle de «passages secrets», de «fantômes» : la variété de ces scènes, portrait, paysage, vues urbaines, intérieurs trouve sa cohérence dans ces affinités mystérieuses, ces connexions souterraines, d’ailleurs propres au monde adolescent.
Si certains éléments dénotent d’une dûreté évidente, les couleurs vives voire outrancières de ces tirages concourent à unifier l’ensemble dans une atmosphère qui tire vers l’anxiogène. Thomas Klotz utilise en effet plusieurs supports allant du tirage actuel au jet d’encre, à la technique ancienne du Dye Transfer, popularisé par William Eggleston dans les années 1960 et auquel avait recours également le milieu de la publicité jusque dans les années 1990. Ce procédé, au rendu chromatique unique, consiste à appliquer sur le papier, couche par couche à l’aide de matrices, chaque couleur primaire. Ici, il permet d’évoquer un monde qui contient ses excès et sa part d’ombre, visions angoissées que l’artiste reconnait être aussi bien les siennes.
«Une porte donnant sur une pièce, un poteau rouge, certes, décors d’aujourd’hui, c’est à dire qu’on ne sait plus dans quel pays nous sommes, même si leur auteur dit que Eggleston l’a marqué.
Et dans tout cela, dans toute cette histoire de photographies avec des lignes, des espaces, des angles – sa fille, la fille de l’auteur des photographies, qui est là, on dirait qu’elle attend. Ça parait simple, mais ça parle de présence dans les lieux, donc une poésie de l’attente […] Attendre, que des photos soient faites, sans se demander à quoi ça sert, mais juste pour être là, communiquer entre le photographe et la photographiée, comme un échange de paroles muettes, la photographie permettant de parler en silence, juste avec des regards, car il s’agit toujours de cela, le regard.
Ces photos dans des décors pas spectaculaires, mais nécessaires, et le courant passe, car quand il semble ne rien se passer, il se passe des tas de choses, des connivences, des non-sourires […] Les photographies de Thomas Klotz d’apparence si silencieuses, parlent de sa manière de percevoir le monde, car n’oublions jamais que chaque photographe voit et sent différemment des autres.» *
* Bernard Plossu, extraits de la Préface de Eve, I Will Never Be Young Again, Thomas Klotz, éditions EYD.