L’édition 2022 alimente le perche sud d’un souffle contemporain en investissant des lieux d’exception choisis en dialogue avec les œuvres présentées. Le parcours irrigue 70 km de vallons, à partir de son épicentre le moulin Blanchard et la commune de perche-en-nocé pour s’élargir à d’autres communes avoisinantes de la CDC Cœur de Perche, St Cyr la Rosière et Cour Maugis sur Huisne. La capitale du perche, Nogent-le-Rotrou ouvre pour la première fois quelques-uns de ses lieux secrets.
D’une douzaine de lieux en 2019 à 14 en 2021, ce sont 18 sites, patrimoniaux pour la plupart qui ouvrent leurs portes pour cette 3ème édition. Dans les villages, églises, belles demeures et galeries s’ouvrent au public les week-ends, tandis que des institutions comme l’écomusée du perche et le parc naturel régional du perche seront ouvertes en semaine, permettant aux visiteurs de découvrir l’ensemble du parcours sur deux à trois jours.
Les expositions offrent une belle représentativité de la scène française, donnent à voir les travaux réalisés par les artistes en résidence et ceux d’autres auteur(e)s vivants sur ce territoire riche en créateurs. Au total 33 artistes sont présentés pour la plupart à travers une ex- position personnelle ou une installation in-situ tandis que le jardin du moulin Blanchard commence à s’orner de quelques sculptures monumentales.
Le fil conducteur de cette troisième édition est l’arbre. Thème fédérateur, il traverse l’humanité, abreuve la littérature et l’histoire de l’art. Il est au centre de nos préoccupations environnementales, qu’il soit sujet, matière première, cosa mentale ou au cœur des débats citoyens, il étaye des démarches artistiques qui répondent par leur diversité à la volonté d’ouverture de la commissaire générale. Christine Ollier propose à travers cette trame un large panel d’expressions contemporaines en faisant résonner création et lieu d’exposition. Enfin ce beau thème, s’il est de toute actualité, il rend aussi hommage au perche, territoire ancestral aux vastes étendues forestières et dont le sens éponyme signifierait « grande forêt ».
La photographie est au cœur du festival et représente plus de 50% des expositions avec des écritures fort différentes les unes des autres. Certaines forment des odes végétales aux quatre saisons avec des portraits d’arbres séculaires sublimés par l’usage de la chambre presque aussi ancestral – Christian Vallée et Philippe Grunchec. D’autres se réapproprient des techniques anciennes, les transposent pour offrir de nouveaux regards – Anaïs Boudot, Philippe Durand. Deux plasticiennes ont mis au point des écritures inédites : Raphaëlle Peria redessine sur la surface du tirage au scalpel tandis que Lisa Sartorio exprime les écorchures de l’histoire et du temps à travers un travail aux frontières de la photographie, du volume et de l’installation.
D’autres photographes fleurtent avec les mythologies intérieures – Israël Arino, Sandra Stadëli. L’inventaire des typologies forestières à travers le monde de Laurent Monlaü évoque ce qu’il reste de la majesté de nos paradis perdus tandis qu’Andrea Mantovani raconte à travers une série documentaire – fiction l’épopée des dernières forêts primaires de l’est de l’Europe et la lutte de ceux qui se battent pour leur sauvegarde.
D’autres photographes ont œuvré sur le territoire du Perche. Patrick Bard a pénétré les taillis de la forêt plantée de milliers d’arbres par l’artiste et architecte autrichien F. Hundertwasser, site secret où il avait implanté une colonie d’artistes dans les années 60-90. Lors de sa résidence au long cours à Perche-en-Nocé Grégoire Eloy a exploré une autre forêt toute proche et les êtres qui l’habitent, ou, la transforment. Il a conçu une installation documentaire à partir de l’expérience qu’il a partagé avec son complice Marc-Em- manuel Berville constructeur d’une cabane clandestine cachée parmi les arbres. Lors de ses divers séjours en 2021, le photographe Adrien Boyer a porté son regard sur le territoire percheron et ses paysages au fil des saisons. Cet ample travail documentaire est l’occasion d’un beau parcours en extérieur dans le Parc du Manoir de Courboyer qui durera tout l’été. Cette résidence a fait l’objet d’un carnet à même titre que 6 autres à paraitre en avril Chez Filigranes en coédition avec Art Culture & Co sur les artistes Grégoire Eloy, Enzo Mianes, Loïc Pantaly, Catherine Poncin, Lisa Sartorio et Edouard Wolton en conversation avec des auteurs aussi divers que Marc-Emmanuel Berville, Emmanuel Berck, Christian Michel, Christian Gattinoni, Selma Bella Zarhloul et Youry Timsit.
En dessin, il fut difficile de sélectionner tant il y a pléthores de pratiques. Pour n’en montrer que quelques-unes ont été privilégiées : les dessins au graphite de Mathieu Maignan qui donne à voir de grands portraits en pied subtilement stylisés par le trait et les surfaces au noir ; les aquarelles inédites de Thierry Bronchart qui esquisse précieusement des motifs auxquels il confère une autonomie plastique inattendue. Entre sculpture et dessin les arbres tranchés et les racines trouvées d’Enzo Mianes réactivent le corps et l’histoire qui y est inscrite. En complément, La délicatesse des dessins en broderie de Frédérique Petit dialogue avec les fresques de la précieuse église de St Jean La Forêt. Ailleurs, l’installation de grandes aquarelles conçues par la jeune Salomé Fauc résonnera avec la richesse décorative de l’église de Courcerault grâce au soutien du Fonds Regnier pour la création.
En peinture, même si le sujet est plus rare chez nos contemporains Gaël Davrinche, Edouard Wolton, Ashley Ashford-Brown relèvent le défi et peignent des univers où le végétal forme le trait et porte haut la couleur. D’autres artistes utilisent des produits dérivés comme Street Level Industries qui fabrique une sculpture monumentale à partir de carton. Quant aux céramistes Manoli Gonzales et Muriel Joubert, elles usent de la délicatesse du biscuit pour conserver la trace des écorces ou des feuilles. La vidéo est également présente dans ce parcours d’art contemporain grâce aux films de Marcel Dinahet et de Jean Claude Ruggirello.
Enfin des sculpteurs-installateurs présentent des volumes à partir de l’arbre lui-même comme Martin Monchicourt et Sylvain Ristori. L’arbre de S. Ristori, également financé grâce au Fonds Régnier pour la Création, est placé de façon pérenne dans le jardin de sculptures du Moulin Blanchard, qui sera ouvert jusqu’en septembre pour un 1er petit parcours. Cette œuvre monumentale voisine le Belvédère de Rico D’ascia et d’Antoine Lauvaux mis en place en 2021 et animé des siestes sonores d’Anne Pastor et The Wholly of Holies de Téo Bétin présentée à 2019 et réinstallée au printemps dans ce futur parc tandis que la grande cour accueille les œuvres offertes par Frédérique Petit et Pierre Tual et qu’enfin les images de Patrick Bard habitent le petit verger.