Le CRP/ consacre une exposition collective à quatre artistes émergents chinois, fruit d’un dialogue curatorial entre Ruohao Hu, jeune commissaire de Canton et Audrey Hoareau, directrice du CRP/.
En mandarin, Bi Hu Suo signifie « abri ». C’est aussi le titre de cette exposition qui détermine la jeune photographie chinoise comme territoire d’exploration. Prolifique, turbulente, la nouvelle scène photographique se développe démesurément depuis quelques années dans l’Empire du Milieu et au-delà. Quels sujets animent cette génération d’artistes tous confrontés voir stimulés par la charge du pouvoir et de l’histoire d’une nation si complexe ? Avec l’internationalisation des étudiants chinois, en particulier dans le champs des arts, les aspirations tendent de plus en plus vers une expression artistique débridée, y compris sur des thématique de société. À travers quatre travaux sélectionnés, l’exposition met en avant la faculté de ces artistes à adapter leur processus créatif et à développer des approches détournées, indirectes. Relations sino-américaines, évocation de la révolution culturelle, thématiques sécuritaires ou encore question du genre, Zhang Zhidong, Zheng Andong, Ye Wuji et Wang Yingying ont pour point commun d’aborder des sujets sensibles, actuels mais délicats. Le CRP/ en tant que centre d’art tourné vers le monde et engagé pour la représentation de toutes les écritures photographiques et pour la liberté d’expression donne une visibilité à ces travaux d’une grande qualité et par là même un état de la scène chinoise émergente.
Zhang Zhidong
Natural Impersonation
Zhang Zhidong explore la question de l’identité de genre dans le contexte de la répression de l’homosexualité en Chine. Par des jeux de mise en scène, il transpose son entourage amical et familial dans une réalité alternative et subversive. Il dénonce la rigidité d’un système hétéronormé.
Zheng Andong
Une question chinoise
Zheng Andong enquête sur les migrations chinoises du XIXe aux États-Unis et leurs conséquences aujourd’hui. Il s’appuie sur des faits concrets comme le Chinese Exclusion Act ou la disparition des travailleurs chinois pourtant déterminants dans les récits sur la construction du premier chemin de fer transcontinental américain. Entre revisite des sites historiques et rencontres actuelles, Zheng Andong mêle le passé au présent autour de la question sensible de l’intégration.
Ye Wuji
MGSB
Kulja est une ville chinoise située dans les confins occidentaux du territoire chinois, près de la frontière avec le Kazakhstan. Ces dernières années, elle fût le théâtre d’attaques terroristes et de violentes émeutes. Pour contenir toutes ces tensions, un nombre considérable de barrières de sécurité a été déployé. Symbole statique et silencieux du pouvoir et de la contrainte, c’est autour de cet objet que travaille Ye Wuji. En 2016, il a organisé un concours de “la plus belle barrière de sécurité” basé sur une enquête de terrain. Vingt barrières, sept jours d’enquête et 520 citoyens de différents groupes ethniques ont participé. Des années plus tard, miné par la dégradation de la situation, Ye Wuji réinterprète son projet de départ. À travers une nouvelle œuvre vidéo, il raconte cette histoire avec “si peu de mots autorisés”.
Wang Yingying
Là où mon coeur s’est posé
Les parents de Wang Yingying se rencontrent alors que son père est envoyé à Wangqiao pour travaux forcés pendant 17 ans dans le cadre de la campagne anti-droitiste. Après la Révolution culturelle son père rentre à Pékin. Sa mère, son frère et elle vivent, eux, à Hangzhou. Après de nombreux allers et retours, le divorce s’impose. Profondément marquée par la séparation de sa famille et l’absence de figure paternelle, Wang Yingying construit son travail autour de son trouble de l’identité et de son retour en 2015 dans sa ville natale, à Guantao.