Delphine Balley est lauréate du PRIX DE LA PHOTO CAMERA CLARA
Créé en 2012, le prix photo Camera Clara est réservé aux artistes qui travaillent à la chambre photographique. Il récompense un travail d’auteur, inédit et présenté en série ou ensemble photographique afin qu’il puisse être jugé sur sa cohérence, tant sur la forme que sur son contenu.
Delphine Balley, lauréate
Dans son histoire, la photographie (et plus tard le cinématographe), prolonge les dispositifs immersifs qui l’ont précédée (Diorama, panorama, spectacles d’illusions). Elle se situe donc du côté de l’artifice et du trucage « pour nous faire croire». L’image et les conditions de fabrication et de son apparition, entretiennent une relation ambiguë entre visibilité, réalités et vérités.
Delphine Balley propose dans sa nouvelle série une réflexion autour de la fabrication des images, de leurs systèmes d’apparition, à travers les différents dispositifs optiques et d’enregistrement.
Le point de départ de sa réflexion est une photographie conservée depuis longtemps dans son ordinateur, retrouvée il y a quelques mois: La salle du temple de l’organisation de L’Ordre du temple solaire. Pour elle, cette image « fait résistance ». Delphine Balley
comprend que ce lieu totalement artificiel, est organisé, mis en scène « pour faire croire » : croire à l’invisible.
Une relation forte entre la mise en scène et l’organisation des croyances a toujours existé, mais ce qui est perturbant dans les groupes religieux parallèles, c’est que l’artifice n’est quasiment pas déguisé. La foi est si forte que l’on accepte que la mise en scène soit entachée de maladresses: rapport d’échelle étrange, matériaux utilisés, trucages apparents… C’est autour de toutes ces constructions visuelles, que Delphine Balley a souhaité travailler. L’image, la représentation, l’apparition sont à la base de toute croyance. Nous organisons le réel pour les spectateurs que nous sommes, pour tenter de l’appréhender au plus près.
Delphine Balley a souhaité organiser son projet de l’obscurité à la lumière, concevant une série d’ «images mentales ». Les premières images mentales sont les matérialisations formelles des «fins du monde », souvent à la base de tout système de croyance.
Elle a également cherché à donner à voir les lieux dans lesquels ces croyances étaient bâties et diffusées, à aller ainsi vers des formes précises de reconstitution de lieu de cultes, d’objets de passage d’un monde vers un autre.
Afin de recréer ces images, ces mises en scène, Delphine Balley a fait appel aux moyens mis en oeuvre dans les premières formes de spectacles, des matériaux simples, cartons, bois, plâtre… C’est donc par une mise en scène assumée évoquant largement
l’artifice qu’elle a traité le sujet.
Delphine Balley est née en 1974. Elle vit et travaille dans la Drôme. Après plusieurs séries mélangeant fiction et réalité, faits divers et histoire familiale (11, Henrietta Street, l’Album de famille) , après avoir décortiqué les rites ancestraux, curatifs, mariaux ou funéraires, après avoir montré ces croyances et pratiques qui structuraient les sociétés d’autrefois, Delphine Balley met en scène dans sa nouvelle
série les croyances religieuses ou sectaires et plus précisément la façon dont l’image aide la croyance à se bâtir.
Comment donner à voir ce qui n’existe pas, par quels artifices et quelle mise en scène ? Mise en abyme de son travail de photographe, elle analyse et donne à voir la construction de l’image, les mécanismes de mise en scène et d’organisation de la croyance, en se fondant sur les croyances les plus spectaculaires et notamment les groupes parallèles religieux.
Arno Brignon, mention spéciale
« C’est un lieu où l’histoire et la géographie restent incertaines, un lieu où les chiens courent librement dans les rues après les voitures, un lieu où les montagnes et les collines sont un écho incessant aux vagues de l’océan, un lieu à la croissance passée, tombé depuis au champ de bataille de la sainte guerre économique, un lieu où les grands ensembles sont détruits, remplacés par de petits chez soi, un lieu où hôpitaux et écoles deviennent des musées offerts au touriste de passage. Ce lieu n’a pas besoin de nom, tant il ressemble aux autres dans sa perte. Celle de ses habitants, d’une identité particulière, celle surtout du lien social. La disparition est en place, l’homme
devient un être séparé et la terre un espace uniforme. Le passé est figé dans un décor pour que la transformation du reste du monde puisse aller toujours plus vite vers ce futur incertain.
Je suis dans ce lieu que je n’ai pas choisi. La photo est mon excuse pour ce voyage, l’argentique un medium de confrontation à l’altérité, un moyen de résistance à cette accélération mondialisée.
Ce lieu est celui de ma résidence sur cette année, allant d’Aussillon à Lectoure, de Valparaiso à Condom. J’ai photographié ces quatre villes, symboliques de cette mémoire en sursis, où ceux qui ont construit les lieux, les ont habités, parfois pendant des générations, sont contraints au départ ; les motifs sont multiples, mais la raison presque toujours économique. Tourné vers un passé trop souvent perçu comme plus flamboyant que leur présent, j’interroge ceux qui restent sur une identité et un vivre ensemble toujours plus attaqués ».
Arno BRIGNON
Arno Brignon est né en 1976. Il vit et travaille à Toulouse.
Son travail photographique a été régulièrement primé et est exposé en France comme à l’étranger.
Demande d'informations