République populaire de Chine, municipalité de Chongqing, 34 millions d’habitants. L’une des plus fortes croissances démographique et économique mondiales. L’agglomération centrale de 15 millions d’âmes se voit perfuser de près de 300 000 nouveaux arrivants chaque année. Chongqing, la « ville montagne », sillonnée par le fleuve Yangzi et la rivière Jialing, peine à percer l’épais brouillard qui la recouvre toute l’année.
Héritière des déplacés du barrage des Trois-Gorges et fille des autorités pékinoises qui l’ont élevée au rang de municipalité au même titre que ses grandes sœurs de la côte est, la ville de Chongqing s’est développée à une vitesse vertigineuse. Formes urbaines et infrastructures ont jailli, défiant la gravité, épousant les reliefs de ses quatre rives escarpées et gravées par ses cours d’eau. La vitesse de l’urbanisation a pris de haut le temps lent des pêcheurs, de l’érosion des fleuves, de l’éclosion puissante des montagnes.
La danse ininterrompue des grues et des pelleteuses empile les hommes à une vitesse déconcertante. Plus aucun obstacle n’empêche les tours de s’élancer. Elles se reproduisent presque à l’identique, comme des métastases. Les réseaux de transport traversent les eaux, transpercent les roches, gravissent les coteaux, faisant fi de la puissance des éléments.
Le fleuve est devenu l’artère qui fait battre un cœur économique résolument tourné vers la conquête de l’Ouest par la nouvelle route de la soie. Seules les rives, quasi sauvages, résistent et s’allient aux caprices du fleuve. Des hommes assis sur ses berges regardent ses méandres et leurs horizons s’obstruer et ses flancs s’épaissir. Ils cultivent encore ici et là quelques jardins nourriciers en attendant avec fatalité que les derniers bouts de terres nues disparaissent.