Initialement programmée dans le cadre de la treizième édition du festival ImageSingulières, annulée pour cause de crise sanitaire, les expositions de Marylise Vigneau et Cecilia Reynoso s’inscrivent dans la saison culturelle 2021-2022 du Centre photographique documentaire – ImageSingulières.
L’article 19 de la Constitution de la République Islamique du Pakistan dit :
« Liberté de parole : Tout citoyen a droit à la liberté de parole et d’opinion, parallèlement à la liberté de la presse, sous la seule réserve de restrictions raisonnables établies par la loi et ayant pour objet : le développement et la gloire de l’Islam; l’intégrité, la défense et la sécurité du pays ou de toutes ses composantes; la préservation de relations amicales avec les États étrangers, de l’ordre public, de la décence et de la moralité; ainsi que la prévention de tout outrage aux tribunaux, délit ou incitation à commettre un délit. »
Au Pakistan ces restrictions « raisonnables » sont utilisées contre les minorités, les journalistes, les défenseurs des droits de l’Homme, les athées, les homosexuels, etc. Elles sont interprétées comme une liberté de mépriser et de discriminer des croyances, des perceptions, des sexualités ou des opinions différentes et produisent de facto des parias. Le statu quo, les alliances régnantes et la soi-disant décence érigent un mur autour de ces parias fabriqués et les réduisent au silence. Ces dernières années, l’application des lois sur le blasphème et la diffamation au Pakistan demeurent une préoccupation majeure, aggravée par de nouvelles lois visant à étendre les contrôles et à restreindre la liberté d’expression en ligne. Assassinats et attaques contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme sont endémiques et se caractérisent par une impunité persistante.
Cette série photographique est constituée de portraits de personnes vivant à Lahore et dont la façon de penser, de vivre et d’aimer se heurte frontalement au roman national. Des gens dont la vie est un combat parce qu’ils doivent dissimuler ce qu’ils sont sous peine de mort sociale ou même, parfois, de mort physique. Et qui oscillent constamment entre espoir et désespérance.
« En Argentine, il est courant de dire que la famille et les amis sont sacrés. Nous prenons les relations affectives très sérieusement. Ne pensez même pas à sauter un repas du dimanche, un anniversaire ou Noël. Ces moments sont des prétextes pour se réunir. Comme la plupart des familles ici, la mienne est d’origines italienne et espagnole, avec l’exubérance typique de la banlieue bourgeoise de Buenos Aires.
J’ai pris la plupart des photos chez mon beau-frère, parfois je dois juste prendre un peu de recul pour avoir ce sentiment d’irréalité, comme si j’étais témoin d’un tableau vivant ou d’une scène se déroulant dans le film de Luchino Visconti «Rocco et ses frères».
C’est une famille très bruyante et enjouée, avec beaucoup de câlins et de baisers, affectueux et physiques. Dans certaines situations, je leur demande si je peux prendre leur portrait seul, donc nous allons dans un espace calme de la maison et nous nous connectons plus intimement. Je me suis surtout affairée à représenter la beauté de la jeunesse et la dignité de l’âge au sein des membres de la famille, un peu comme le cycle d’une fleur. Il est important pour moi de ne pas me contenter d’être un observateur, mais de maintenir un équilibre entre le fait d’être impliquée dans les scènes et celui d’y être détachée, mais si je sens que je me déconnecte, je range la caméra et je profite de la conversation. Le sentiment de connexion est crucial pour mon travail car il est important qu’ils se sentent détendus et me fassent confiance quand je les photographie. »
Cecilia Reynoso