Figure incontestée de la photographie française contemporaine, récemment lauréat avec le tireur Guillaume Geneste du Prix du tirage Collection Florence & Damien Bachelot, Bernard Plossu découvre les États-Unis en 1966, depuis le Mexique où une partie de sa famille est implantée et où il a initié quelques années plus tôt, dans le Chiapas, une pratique cinématographique et photographique. Bill Coleman, un de ses plus fidèles amis, sera son passeur et son guide. De 1966 à 1974, ce seront des années de découverte de la société américaine et de rencontres multiples, en particulier avec les protagonistes de la contre-culture américaine. De 1974 à 1985, une immersion approfondie dans le territoire de l’Ouest américain. En 1977, il pose même ses valises au Nouveau-Mexique et y fonde une famille, jusqu’à son retour irrévocable en France en 1985.
« En photographie, on ne capture pas le temps, on l’évoque. Il coule comme du sable fin, sans fin. Et les paysages qui changent, n’y changent rien. On ne prend pas une photographie, on la “voit“, puis on la partage avec les autres. Je pratique la photographie pour être de plain-pied avec le monde et ce qui se passe. »
Bernard Plossu
C’est donc face à l’immensité et la diversité de cette vie américaine qui s’offre soudain à son regard d’européen que sa pratique photographique va prendre toute son ampleur et s’ancrer sur cette écriture de la rencontre et du sensible qui la caractérise.
Aussi les images des « années américaines » de Bernard Plossu s’apparentent-elles moins à un journal de bord d’un séjour de près de vingt ans aux États-Unis qu’à une véritable expérience existentielle dont le fil s’étire comme ces longues routes qui traversent les différents états de l’Ouest en se jouant des frontières et sur lesquelles il joue les funambules du hasard et du destin. Les différentes étapes furent prospères et les trajets éblouissants jusqu’à un terme aussi imprévisible que définitif. « America: Love it or Leave it » ; « So Long », a répondu Bernard Plossu, des images plein la tête et l’œil encore pétillant.
Depuis 2007 et l’exposition « So Long, vivre l’Ouest américain 1970/1985 » au Fonds régional d’art contemporain de Haute-Normandie, aucun autre travail approfondi n’avait été fait sur cette période fondatrice de son œuvre.
À la faveur de la redécouverte miraculeuse de 6 boites contenant près 860 bobines et de plus de 200 tirages non encore inventoriés, Bernard Plossu s’est ainsi replongé dans l’ensemble de ses archives de ces « années américaines ». C’est donc une somme considérable d’images inédites qui s’offre aujourd’hui à notre regard. Un véritable événement tant pour la connaissance de l’œuvre photographique de Bernard Plossu que pour notre vision des États-Unis durant des décennies déterminantes de son histoire à travers les yeux d’un « frenchie ».
La Galerie du Jour présente à titre tout à fait exceptionnel une partie des tirages inédits et récemment retrouvés concernant les séjours américains de Bernard Plossu durant les années 1974-1985. Les images se déroulent librement au mur, à l’instar de road movies sans début ni fin, où le réel américain se confond avec sa propre mythologie.