Pour marquer les 50 ans du coup d’état contre le gouvernement populaire au Chili, la Galerie le Château d’Eau organise une exposition qui réunit les regards du photographe français Raymond Depardon et du photographe américain David Burnett, sur le pays à cette époque.
C’est à l’occasion du premier anniversaire de l’élection du président Salvador Allende, en 1971, que Raymond Depardon découvre le Chili, accompagné du secrétaire de rédaction du magazine Zoom, son ami Robert Pledge.
Un contexte agité mais pour lequel il prétend qu’il « n’a jamais été si heureux ».
En 1973, l’américain David Burnett couvre le coup d’Etat du général Pinochet, qui précipite le pays dans une dictature militaire sanglante. De la prise du Palais de la Moneda aux funérailles de Neruda, ses images constituent avec celles de Depardon un reportage collectif, qui remporte à New York la Robert Capa Gold Medal, la plus haute distinction du photojournalisme.
Dans l’après-midi du 11 septembre 1973 l’aviation militaire chilienne bombarde le palais présidentiel de La Moneda à Santiago et l’armée investit le siège du pouvoir. Le président socialiste Salvador Allende refuse de se rentre aux putschistes et se suicide après trois années d’un régime de gauche qui a représenté un espoir fort dans le pays, entre autres chez les paysans et la classe ouvrière et également dans tout un continent habitué aux coups d’état militaires et à une violence souvent manipulée par les Etats-Unis. La dictature du général Pinochet est en place et durera jusqu’en 1990, accompagnée des atteintes aux droits de l’homme, des 3200 morts et « disparus » et avec environ 38 000 personnes torturées. Plusieurs milliers de personnes, peut-être un million, s’exilent.
Deux ans auparavant, en 1971, Raymond Depardon, jeune reporter de l’agence Gamma dont il a été l’un des fondateurs quelques années plus tôt, vient au Chili à l’occasion du premier anniversaire de la victoire de l’Union populaire. Il est accompagné de son ami le journaliste Robert Pledge, à l’époque rattaché au magazine Zoom. Outre un rendez-vous avec le président Allende, il se concentre surtout sur le monde paysan dans lequel il retrouve des échos de ses origines.
En septembre 1973, David Burnett, reporter à Gamma New York, qui vient de signer un contrat avec Life magazine et qui rejoindra l’agence Contact Press Images lorsque Robert Pledge la créera à New York en 1976, couvre, dans des conditions difficiles, les lendemains du coup d’état. Arrestations, parcage des détenus au stade national – où ils seront torturés et exécutés -, autodafés de livres, l’immense cimetière où sont enterrées les victimes, obsèques du poète Pablo Neruda, mort douze jours après le coup d’état – dont on pense de plus en plus qu’il a été empoisonné -, il chronique les débuts de ce qui va devenir une sanglante dictature.
Ces photographies, à l’origine destinées à la presse et au seul champ de l’information sont aujourd’hui des documents historiques, des pans de mémoire. Elles sont aussi le témoignage d’une esthétique d’époque de l’image de journalisme, d’un moment où la photographie était dominante et déterminante pour la presse. C’est aussi pour cela qu’il nous a semblé nécessaire de présenter les différents états de tirage, ceux d’hier qui étaient distribués aux journaux, ceux d’aujourd’hui pensés pour l’exposition et le livre.
Christian Caujolle, conseiller artistique