Créé en 2012, le prix photo Camera Clara est réservé aux artistes qui travaillent à la chambre photographique. Il récompense un travail d’auteur, inédit et présenté en série ou ensemble photographique afin qu’il puisse être jugé sur sa cohérence, tant sur la forme que sur son contenu.
A l’heure où un déferlement vertigineux d’images est offert à tous via Internet et représente une richesse indiscutable de communication et de partage , il est aussi incontestable – qu’à côté d’un échange démocratisé de contenus de valeurs – il s’est développé un « à tout va » photographique, très à la mode, qui a entraîné une confusion entre le medium, sa performance et sa qualification d’artistique. Pour la créatrice de ce prix, Joséphine de Bodinat Moreno et la directrice artistique Audrey Bazin, il est apparu essentiel de se positionner en « contrechamp » ou plutôt hors champ des tendances et de faire l’éloge d’une démarche réfléchie et d’une certaine lenteur. En effet par le maniement même de l’appareil, ses contraintes spécifiques, l’artiste choisit de prendre son temps pour collaborer avec la lumière. Ainsi revient-on à l’origine même de la photographie. Hélène Schmitz, finaliste du prix photo Camera Clara 2013 , motivait son choix du grand format en argentique par« le désir de travailler avec la lenteur d’un peintre, dans l’idée que le temps passé à faire exister une matière particulièrement dense est un temps nécessaire, celui de l’avènement de l’image ». Il ne faudrait pas pour autant voir dans l’utilisation de la chambre, une ode au passé ou un procédé à tonalité nostalgique, les dossiers reçus le prouvent chaque année, le travail à la chambre est bien une recherche d’écriture de la lumière aux multiples options. Au delà des qualités de temps de pose, de contrôle des perspectives ou de netteté, les artistes ont en commun cette relation exclusive avec cette pratique et inventent grâce à elle des expressions particulières. Cette année encore le jury a constaté avec plaisir le nombre de travaux singuliers.
Par ailleurs, la renommée du prix s’est étendue comme en témoignent les dossiers reçus de toute l’Europe mais aussi des USA et du Japon.
Né en 1965 à Paris, il est maintenant citoyen américain et vit a Los Angeles depuis 2002. Représenté par la Galerie Clémentine de la Féronniere, Paris. Il est correspondant pour l’Agence VU.
Une grande partie de son travail s’est concentrée sur la mémoire des villes européennes. En s’intéressant à la technique de la double exposition, il documente Berlin, Moscou, Paris, Prague et Lisbonne, avec un style qui se détache déjà du réalisme. Aujourd’hui son obsession se concentre autour du mythe américain, en réalisant différentes approches et techniques. “LA Smoke & Mirrors”, “LA Chromos” et maintenant “Harbor City” traitent toutes des symboles et de la mémoire collective.
URBAN JUNGLE
Je vis à Los Angeles depuis 2002. Une mégapole que je photographie tous les jours et qui ne cesse de m’étonner.
Ce n’est pas une entité mais plusieurs villes collées bout à bout, au fur et à mesure de son expansion horizontale. Quadrillée par des centaines de kilomètres de freeways. Plusieurs mondes cohabitent sans se mélanger. Beverly Hills, West Hollywood, le Westside ignorent presque l’existence d’un Downtown voire pire… East LA. Et j’ai photographié ces différents univers avec toujours mon obsession des signes et des traces.
Un déménagement à San Pedro en 2017 m’a fait découvrir un autre LA que j’ignorais complètement. Les artistes fuyant Venice Beach ou Downtown à cause de la “gentrification” investissant cette zone, prise en sandwich entre Le westside et ses plages et la riche zone de Orange County.
San Pedro est le Port de Los Angeles.
Une ville où soit on se cache soit on s’est perdu…
Une cacophonie urbanistique et industrielle où tout se mélange.
Des Freeways à perte de vue avec un mouvement permanent de poids lourds qui déversent les produits venus des containers du port nuit et jour…
Au milieu, des immeubles vides aux fenêtres ouvertes, des enseignes sans signe, d’un autre temps, qui résistent mais vont disparaître.
De petites échopes cadenassées pour protéger le peu qu’il y a.
Un “Sorry Man” d’une église évangelique pour mettre au pas ces ouvriers latinos du rêve américain et leur rappeler la colère de Dieu.
Un tronc de palmier coupé, car rien ne résiste à ce rêve.
Un drapeau qui claque au milieu d’un échafaudage dérisoire car on les trouve partout.
Ces signalétiques désuètes d’une Amérique de Walker Evans qui est toujours là.
Ces Freeways encore et toujours…
Et ce Van à bout de souffle venu du Wyoming lointain, à la carosserie rouillée, qui a fini sa route vers cet Ouest si magique et fantasme.
Guillaume Zuili