L’exposition Generations of Resilience a été conçue par l’équipe du Hangar et Kateryna Radchenko en collaboration avec le Museum Of Kharkiv School Of Photography (MOKSOP).
Kateryna Radchenko est une curatrice, artiste et chercheuse en photographie basée en Ukraine.
L’exposition Generations of Resilience fait partie de la programmation de la 8ème édition du PhotoBrussels Festival (25.01-25.02.2024).
Dans un climat de guerre, l’Ukraine, 2ème plus grand pays du territoire européen reste une scène de création artistique en effervescence malgré les 2 années d’invasion russe (depuis le 24 février 2022). Hangar a choisi de présenter, en une vaste exposition qui regroupe 22 artistes la richesse et la diversité de la création photographique en Ukraine dans une perspective transgénérationnelle et historique. Il s’agit d’une exposition qui traite de la photographie en tant que pratique artistique plutôt que de photojournalisme. Le medium est ici plus que jamais un moyen d’expression plus qu’un outil de documentation. Le paradoxe est que les photos deviennent, dès qu’elles apparaissent et sont conservées comme étant une source de documentation qui fait mémoire. Le travail du Museum Of Kharkiv School Of Photography (MOKSOP) est à ce titre exemplaire. Abrités en Allemagne depuis le début du conflit russo-ukrainien, les tirages « historiques » y côtoient des travaux plus contemporains. Ce corpus a largement inspiré la conception de Generations of Resilience. Génération après génération, des artistes ukrainiens ont lutté pour leur liberté d’expression et ont fait des périodes de conflit des périodes de créativité. L’idée est de traverser 3 époques à travers 3 générations d’artistes, dont les plus jeunes ont travaillé depuis le début du dernier conflit, dans des conditions désastreuses. Il apparaît clairement une filiation entre les premiers travaux réalisés par les « pères » fondateurs de l’école de Kharkiv, tels que Boris Mikhailov, Yevgeniy Pavlov…et ceux qui les ont suivi. A la fois une filiation « spirituelle » de par leurs postures émotionnelles et contestataires : les artistes utilisent leur pratique comme moyend’expression de leur opposition à une idéologie, à un régime ou à un conflit. Et une filiation esthétique. En effet, face à la censure soviétique courante dans les années 70 une nouvelle esthétique (qui n’a rien à envier aux collages et colorisation d’images dont nous abreuvent les expositions de photo contemporaine) est apparue. Il est troublant de voir que des travaux réalisés en 2022 relèvent souvent des mêmes codes esthétiques et stylistiques que ceux réalisés 50 ans plus tôt. Par le choix de montrer des séries réalisées avant et après l’escalade du conflit, on constate 2 phénomènes. D’une part, la résilience créative est palpable. Les artistes ont poursuivi leur travail, coûte que coûte, comme ils l’avaient fait après le début de l’invasion en 2014. D’autre part, les thématiques abordées sont directement liées à la guerre et à ses conséquences sur la population et peuvent représenter comme une forme thérapeutique d’assimilation des faits. Les artistes intériorisent en quelque sorte un évènement vécu collectivement – l’état de guerre – et en rendent compte de manière formelle. L’underground intellectuel et contestataire du siècle dernier s’est mué en un underground vécu, domestique, comme en témoignent les images des civils reclus dans des abris souterrains, scènes devenus le quotidien des Ukrainiens depuis 2 ans. En témoins de leur époque, les artistes Ukrainiens ont formé leur propre défense : l’art ne meurt jamais et est porteur d’espoir même dans les moments les plus sombres. Avec Generations of Resilience, Hangar les soutient et à travers eux, tous les photographes qui, de par le monde, travaillent dans des zones de guerre.
Delphine Dumont, directrice Hangar