Dans l’exposition UNIQUE, nous explorons 21 projets d’artistes, dont la moitié ont moins de 40 ans et sont basés en Belgique. Ce qui les unit : le geste créatif. Ce n’est plus seulement le point de vue photographique, mais le travail manuel qui est célébré ici. L’instauration de ce lien physique avec l’œuvre se traduit par la création de pièces uniques qui défient les normes de la photographie argentique et s’opposent à la reproductibilité de la photographie numérique.
Une nouvelle temporalité les caractérise également. Leur processus de création est lent, comme s’ils ressentaient le besoin de ralentir et d’adopter un rythme différent, en contraste avec la rapidité du déclic de l’obturateur. Ils empruntent un chemin qui demande une longue préparation, favorisant la réflexion et l’introspection, invitant également les regardeurs à se mettre en pause.
Pourquoi cette quête ? Pourquoi dépasser le simple acte de prendre une photographie ? Nous avons posé cette question à chacun d’entre eux. L’expérimentation et le désir de revenir à l’alchimie du processus photographique arrivent en tête. Avec la facilité d’utilisation de la photographie numérique et des smartphones, les artistes ressentent le besoin de revenir aux fondements du processus, au travail en laboratoire ou en pleine lumière, où naissent de nouvelles expériences. Ils explorent et remettent en question les conventions du développement des films, du support, et même de la photographie sans appareil photo.
Deuxièmement, dans UNIQUE, il est question de signification et de prise de conscience. La plupart des artistes relient leur pratique gestuelle à des approches conceptuels, abordant des sujets tels que l’écologie, le rôle de la femme, la dégradation de la nature, les bouleversements technologiques, et bien d’autres, alimentant ainsi les grands débats mondiaux.
Ensuite, les artistes interrogent le concept de mémoire. L’essence même de la photographie est remise en question. Un simple tirage photographique ne suffit-il plus à préserver la mémoire ? Certains artistes tentent de saisir cette métamorphose en intervenant sur le tirage, ajoutant des marques du temps, presque comme des rides sur un visage vieilli. «Mettre la main à la pâte», sculpter, jouer avec la matière : dépasser le simple tirage photographique permet également d’explorer d’autres formes artistiques telles que le dessin, la peinture, le collage, l’installation ou encore le tissage. Certains évoquent un transfert d’énergie, une ritualisation et une sacralisation de leur processus créatif.
Après la «Contre-culture dans la photographie contemporaine»*, ne pourrions-nous pas, définitivement, considérer le tirage photographique comme une véritable œuvre d’art ? UNIQUE nous invite à méditer sur cette question.
Delphine Dumont, directrice du Hangar