En septembre, Hassan Hajjaj transforme la Maison Européenne de la Photographie en Maison Marocaine de la Photographie.
La MEP est heureuse de présenter la première rétrospective en France de l’artiste Hassan Hajjaj, en lui donnant carte blanche pour investir la totalité de ses espaces. Le grand parcours, qui retrace plusieurs années du travail de l’artiste anglo-marocain, présente de nombreuses séries photographiques, mais également des installations, des vidéos, du mobilier et des éléments de décoration. Les espaces éducatifs au sous-sol de la MEP abritent un studio où les visiteurs peuvent se prendre en photo devant un mur de papier peint, cadre symbolique et habituel des prises de vues de Hassan Hajjaj. Enfin, la nouvelle librairie de la MEP présente une gamme de vêtements et objets décoratifs réalisés par l’artiste. Autodidacte, Hassan Hajjaj ne se fige dans aucun genre ni aucune forme.
Né en 1961 à Larache au Maroc et londonien depuis 1973, Hassan Hajjaj, vit et travaille depuis lors entre les deux pays ; il est autant influencé par les scènes culturelles et musicales londoniennes, que par son héritage nord africain. Son univers artistique traduit sa capacité à créer des ponts entre ces deux cultures, comme le révèlent ses séries photographiques, entreprises dès 1980. Grandes compositions colorées, adoptant les codes de la photographie de mode contemporaine et du pop art, elles font se croiser les styles, les univers et les icônes.
Mais au delà de l’humour parfois volontairement kitsch qui s’en dégage, elles donnent de la force au propos engagé de l’artiste. Si Hassan Hajjaj joue avec l’imagerie des marques, c’est tout autant pour répondre à la question d’un « nouveau pop art aujourd’hui », qu’une façon d’exprimer son point de vue, décomplexé, sur la société de consommation et le port du voile. À travers l’appropriation des marques par les jeunes femmes voilées, l’artiste interroge ainsi la question de politique d’identité.
Ce mélange entre le fond de son discours et la forme pop qu’il lui donne, se traduit jusque dans les encadrements de ses photographies, qu’Hassan Hajjaj fabrique en relief à partir d’objets de consommation majoritairement marocains (boîtes de conserves, canettes de soda, tubes d’harissa, etc…) et qui deviennent partie intégrante de l’œuvre. Ainsi, le surnom que lui avait donné Rachid Taha n’est sûrement pas un hasard : Andy Wahloo*, aphorisme qu’Hassan Hajjaj appose sur ses vêtements ou prête à un bar parisien éponyme dont il a signé le design.
* « je n’ai rien » en arabe
ESPACE 1 – VOGUE : THE ARAB ISSUE
La première salle du parcours souligne l’intérêt de l’artiste pour l’univers de la mode et du vêtement, ainsi que ses contradictions. Les œuvres présentées évoquent avec ironie les séances régulières de magazines dans la Medina de Marrakech ou de Casablanca, au cours desquelles le Maroc sert souvent de toile de fond exotique. Pour trancher avec les modèles européens habituellement photographiés, Hassan Hajjaj présente une série de portraits de femmes marocaines, vêtues de ses propres créations qui sont le plus souvent influencées des traditions vestimentaires marocaines.
D’autres photographies montrent des femmes portant le Hijab. En écho, une série de portraits peints représentent également des femmes voilées, sur des fonds aux couleurs vives.
ESPACE 2 – INSTALLATION U-LOT, SÉRIES « LEGS », « GNAWI RIDERS » ET « KESH ANGELS »
L’exposition se poursuit avec des œuvres issues de différentes séries, ainsi
qu’une installation vidéo inédite intitulée U-LOT. Celle-ci prolonge la réflexion de l’artiste sur le statut ambigu du voile au sein de nos sociétés, en mettant en regard frontalement des portraits de femmes voilées.
Non loin de cette vidéo sont présentées les photographies au cadrage singulier de la série « Legs », mettant en évidence les jambes de modèles vêtus de tenues aux origines culturelles très variées.
Ce travail est une transition entre la première partie de l’exposition qui s’inscrit dans l’univers de la mode et du vêtement au sens large, et la suite du parcours qui s’ancre davantage dans le quotidien et les modes de vie des modèles photographiés. Sur ces images se côtoient des éléments traditionnels et des accessoires reprenant les logos de grandes marques de luxe. Vives et colorées, à l’instar de l’ensemble
du travail d’Hassan Hajjaj, elles résonnent avec ses réalisations sur la mode, et rappelle une fois de plus cet univers pop inspiré des couleurs et de la lumière marocaine.
Ainsi, Hassan Hajjaj rappelle-t-il souvent ses liens et son attachement pour son pays natal, le Maroc :
« J’aime particulièrement la lumière et les couleurs du Maroc. J’aime toutes les couleurs, mais j’aime surtout le méli-mélo de nuances. J’ai appris à ne pas avoir peur de tout mélanger. La musique est également très importante pour moi et j’en écoute en travaillant.Peut-être que ça se voit, les images et les cadres possèdent une sorte de rythme. »
Cette section se poursuit avec la mise en parallèle de deux séries : « Gnawi Riders » et « Kesh Angels ». Dans la première, Hassan Hajjaj saisit des musiciens gnaoua, issus de la culture traditionnelle éponyme. Tous les modèles sont des hommes posant sur des motos de la même manière : un pied à terre, il se dégage de chacun d’eux un grand sentiment de fierté.
À cet ensemble répondent les œuvres de « Kesh Angels », dont le titre s’inspire des gangs des Hells Angels, tout en reprenant pour la première partie du nom le diminutif de Marrakech (« Kesh »). Les portraits saisis ici sont ceux de femmes vêtues de djellaba, de foulards, de voiles ou d’autres éléments traditionnels
avec lesquels contrastent la modernité et l’aspect étonnant de certains détails, comme la couleur vive des tissus, les motifs léopard, les lunettes de soleil
ou bien les chaussures imitant de grandes marques de luxe. L’allure fière et conquérante, Hassan Hajjaj les fait poser sur leur moto, transport qu’elles utilisent quotidiennement pour se déplacer dans Marrakech.
ESPACE 3 – MY ROCKSTARS
La série « My Rockstars » est un vibrant hommage aux personnalités issues de multiples horizons côtoyées par Hassan Hajjaj : célébrités internationales, mais aussi amis ou connaissances de l’artiste, inconnus du grand public. La plupart des modèles, sélectionnés tout à fait subjectivement par Hassan Hajjaj, sont souvent des musiciens aux influences variées : hip-hop, jazz ou bien encore gnaoua. On retrouve ainsi Rachid Taha, Keziah Jones ou bien Hindi Zahra.
Quelques jours avant la prise de vue, Hassan Hajjaj pense l’ensemble du décor et des vêtements afin de donner un cadre général à la séance photographique. Cette préparation permet ainsi une grande liberté au modèle à qui Hassan Hajjaj accorde une place prépondérante. Ce n’est pas uniquement sa photographie mais aussi celle de la personne saisie. C’est un travail collaboratif au cours duquel le modèle doit laisser transparaître son caractère, ses goûts, en proposant parfois lui-même les accessoires et la scénographie de la prise de vue.
ESPACE 4 – LE NOIR ET BLANC
L’exposition se clôt sur un ensemble de photographies inédites en noir et blanc. Portraits, photographies de groupes, clichés saisis dans la rue à l’aspect davantage documentaire : autant d’éléments qui tranchent formellement avec les ensembles colorés précédents.
Mais quelle que soit la série, la couleur de la photographie ou le modèle, Hassan Hajjaj se plaît à rappeler : « Je veux partager avec le monde entier ce que je connais du Maroc : une énergie et une attitude ; l’inventivité et le glamour de la mode de
rue ; le graphisme étonnant véhiculé par les objets du quotidien ; la jovialité et la force de caractère des gens. »
TRANSFORMATION DE LA MEP EN MAISON MAROCAINE DE LA PHOTOGRAPHIE
À l’occasion de l’exposition, Hassan Hajjaj offre lui-même carte blanche à deux artistes marocaines qu’il invite successivement à présenter leur travail au sein du Studio de la MEP : Zahrin Kahlo (11.09-13.10) et Lamia Naji (18.10-17.11).
L’artiste investit ainsi les lieux de son univers singulier et y présente ses objets dérivés, tapis, mobiliers, vêtements… Car outre la photographie, le design et le travail de récupération sont au cœur de la démarche d’Hassan Hajjaj qui mixe influences ethniques, logos et objets du quotidien.
Ses créations s’insipirent de tous les clichés et les détournent en leur donnant une forme contemporaine au kitsch assumé. Le chameau, les babouches, le caftan, la théière, sont ainsi pour lui des emblèmes. Il transforme des cageots de soda en bancs, des pots de peintures en supports de tabourets et des signaux routiers en plateaux de tables, tandis que les boites de conserves deviennent des lustres.