« L’amour crée, ou plutôt révèle, quelque chose que l’on peut appeler le charme absolu. Chez l’être aimé, rien n’est disgracieux. Chaque mouvement de la tête, chaque nuance de ton dans la voix, chaque rire, chaque grognement, chaque toussotement ou chaque froncement du nez est aussi précieux et révélateur qu’un aperçu du Paradis. »
Iris Murdoch
Au printemps 2022, à la MEP, il est question d’Amour avec un grand « A » : l’amour avec toutes ses joies possibles et ses tribulations potentielles, avec tout son mystère et sa complexité, et avec toute la poésie du quotidien
qu’il est capable de mettre en évidence. L’exposition Love Songs est une tentative délibérément sentimentale de repenser l’histoire de la photographie à travers certains de ses noms les plus célèbres et de ses œuvres les plus marquantes. Cette exposition a été conçue dans l’esprit des compilations personnelles de musique que les amoureux avaient (autrefois) l’habitude de s’offrir et de s’échanger au début de leur histoire. En écho à cette pratique, Love Songs propose, par l’image et non plus par la musique, une immersion dans les paysages émotionnels de personnes que nous connaissons (et que nous aimons), à travers les mots, les idées et les émotions de personnes que nous ne connaissons pas. En composant une playlist à partir de chansons qui ont un sens pour nous, interprétées par des artistes que nous admirons, nous offrons à l’être aimé ces mots comme étant les nôtres. Ce travail intime et partagé de « curation », nous permet de dire, dans un langage poétique au plus proche de nos sentiments, des choses que nous exprimons rarement, ou que nous n’arrivons pas à formuler.
Tous les artistes présentés dans Love Songs, de même ceux sélectionnés pour les deux expositions du Studio de cette saison, ont essayé de capturer avec leur appareil l’essence de l’amour, tel qu’ils conçoivent celui-ci. Dans cette quête, ils ont cherché à montrer, non pas seulement ce que l’amour leur inspire personnellement, mais aussi ce qu’il est susceptible de représenter pour nous, en tant que spectateurs. Tous s’appuient sur un immense talent mais aussi une générosité émotionnelle sincère en nous livrant le fruit de leur travail, ainsi que leur vie intime et amoureuse.
Simon Baker
Directeur de la MEP et commissaire de l’exposition Love Songs.
L’exposition collective Love Songs offre un nouveau regard sur l’histoire de la photographie
à travers le prisme des relations amoureuses. Aujourd’hui, comme hier, les auteurs font œuvre de leur intimité. Réunissant 14 séries réalisées par les plus grands photographes des 20e et 21e siècles, l’exposition rassemble des chefs-d’œuvre de la collection de la MEP et des prêts d’artistes contemporains majeurs, dont certains sont présentés pour la première fois en Europe.
Au cœur de l’exposition, les ensembles de Nobuyoshi Araki et Nan Goldin constituent le point de départ de cette relecture inédite. L’œuvre des deux photographes est confrontée aux séries d’autres auteurs majeurs tels
que René Groebli, Emmet Gowin, Larry Clark, Sally Mann, Leigh Ledare, Hervé Guibert ou Alix Cléo Roubaud et d’artistes contemporains comme JH Engström & Margot Wallard, RongRong&inri, Lin Zhipeng (aka n°223), Hideka Tonomura ou Collier Schorr.
S’inspirant de la « Ballade » de Nan Goldin (« The Ballad of Sexual Dependency », 1973-1986), Love Songs est conçue comme une compilation musicale que l’on offrirait à un amant. La première partie de l’exposition – la face A – est composée de séries des années 1950 à 2000. La deuxième partie – la face B – présente des images des années 2000 à aujourd’hui.
Tout au long du parcours, les images invitent à découvrir une multitude d’histoires intimes et une diversité de schémas amoureux. Premiers jours d’une relation, mariage et lune de miel, petits bonheurs domestiques mais aussi douleur de la séparation ou derniers jours partagés avec l’être aimé… l’intimité captée par l’objectif est ici révélée dans toute sa poésie et toute sa franchise.
Love Songs est avant tout une réflexion sur l’essence même de la photographie. Si l’appareil photo est souvent associé à une quête d’objectivité, il est utilisé depuis toujours pour capturer ce qui est subjectif et qui échappe à tout consensus. Nous ne saurions nous accorder sur ce qu’est l’amour ou ce à quoi il doit ressembler, sur la façon dont il nous transforme ou nous fait voir le monde. Il n’en reste pas moins le sujet de certaines des œuvres photographiques les plus importantes et bouleversantes du siècle dernier.