Sujet central et incontournable du travail de Morvarid K, l’Iran est sans cesse convoqué, interrogé.
L’artiste, née à Téhéran en 1982, y a étéélevée, et même si elle a vécu dans différents pays, elle y revient toujours. « Un lien viscéral », dit-elle. Cependant, le rapport à la réalité s’est redessiné, et au réel se sont substitués l’imaginaire et la mémoire. Ce sont eux qui ont laissé leur empreinte sur l’artiste. « Comme une abstraction d’identité, explique-t-elle. Ce qui en résulte est une impression de frontière invisible, de sens de la limitation, du connu et de l’inconnu, désiré ou imposé, acquis ou inné, imaginaire ou réel. »
Chacune de ces sept images du passé, Morvarid K la recouvre d’une écriture abstraite, fictive, de kilomètres d’encre. Comme une biffure minutieuse, froide, systématique, acharnée et obsessionnelle. Il y a naturellement une dimension performative dans ce travail qui convoque des figures du Butoh, comme Yuko Kaseki avec laquelle Morvarid K collabore. De cette danse émane une tension car, de la souffrance, de l’obsession, de la douleur, de l’animalité, de la laideur, naît la beauté.
Le geste de Morvarid K vise à faire évidemment disparaître l’image, comme s’il s’agissait de tisser une censure personnelle. Autre forme de tension. Mais plus encore : il évoque aussi certains tatouages, une écriture sur soi. Car il n’y a pas eu tricherie. L’artiste n’a pas procédé à des retirages pour ce nouveau projet. Il s’agit bien d’images anciennes, certaines uniques, qui ont été transformées. Et en tant que telles, elles sont des avatars du corps, mais aussi de la vie de l’artiste. À l’instar d’un tatouage, le rapport à la mémoire s’inscrit sur l’œuvre. Comment ne pas oublier ? Que devient la chose passée ? Comment se transforme-t-elle ? Se remodèle-t-elle ? C’est bien cela qui préoccupe l’artiste, son interrogation, en particulier lorsqu’elle évoque son pays, l’Iran.
Nathalie Parienté,
historienne de l’art et commissaire d’exposition indépendante