15 ans ! Cela fait donc 15 ans que Photo Phnom Penh est né à l’initiative d’Alain Arnaudet, alors directeur du Centre culturel français. Un festival qui avait la double ambition d’établir des échanges entre artistes européens et asiatiques et de favoriser, dans un petit pays encore meurtri par la folie meurtrière du régime Khmer rouge, l’émergence d’une nouvelle génération de photographes.
Pari tenu. En 2008, il avait été difficile de trouver quatre photographes cambodgiens à exposer, aujourd’hui, alors que nous privilégions des nouveaux venus, nous pourrions en exposer quelques dizaines. Ilssont d’ailleurs montrés régulièrement à l’étranger, en Europe comme dans la zone Asie Pacifique. En 2008, 90% des visiteurs étaient des expatriés, c’est aujourd’hui le contraire et les nombreux volontaires cambodgiens – que je tiens une fois encore à remercier, sans eux le festival n’existerait pas – prouvent que la photographie est devenue un réel centre d’intérêt, dans la jeunesse entre autres. Et l’échange entre les cultures a pris une véritable dimension pédagogique dans un pays où la formation à la photographie n’est toujours pas sérieusement prise en compte.
Désormais organisé par Photo Phnom Penh Association, structure indépendante de droit cambodgienne, le festival bénéficie de ses soutiens fidèles que sont l’Institut français Paris, l’Institut français du Cambodge et la délégation de l’Union Européenne au Cambodge. Et il reste sur la même ligne éditoriale en privilégiant l’échange et en mettant en valeur les nouveaux auteurs cambodgiens qui se font jour.
Pour l’édition 2023 nous sommes heureux d’avoir à nouveau un pays invité et, pour maintenir l’alternance entre Europe et Asie, c’est Taïwan ( ROC) qui, après la Confédération Helvétique l’an passé, nous proposera les regards de cinq de ses artistes contemporains. Avec leur diversité, inscrits dans l’histoire de la photographie comme dans ses développements récents, ils témoigneront de la vitalité de l’image dans leur pays dans magnifiques locaux de F3 – Friends Future Factory – en plein centre, près du Musée National et de l’Université royale des beaux-arts.
A l’Institut français, dix ans de travail de Kim Hak qui a parcouru en tous sens son Cambodge bien aimé nous rappelle que le pays ne se résume pas aux temples d’Angkor et aux camps de la mort des Khmers rouges. Un travail de paysage qui souligne la diversité du terroir et qui dialoguera avec l’approche documentaire aux couleurs subtiles d’Olivia Gay dans l’Est de la France. Quant à Denis Dailleux, qui a l’honneur du grand mur de l’ambassade de France, il nous propose un extrait de ses 30 années de souvenirs en Égypte dans des tonalités chaudes et vibrantes et un nouveau travail, tout aussi riche, sur l’Inde où il s’est immergé dans le plus grand marché aux fleurs de Kolkata. La jeune Cambodgienne Hul Kanha présentera ses nouveaux travaux, entre photographie et peinture et, au centre Bophana, qui accueille le festival depuis ses débuts, nous reviendrons comme il se doit dans ce lieu de riches archives, sur l’histoire du pays avec les photographies prises par Alan Crumlish en 1989, dix ans après la chute du régime Khmer rouge. Et pour revenir au présent, nous présenterons les deux séries en couleur de Chhen Kimhong cadrant les arrêts de bus, de nuit, avant et pendant le COVID 19.
Il y aura naturellement l’exposition itinérante sur les tuk-tuks, la visite des expositions dans les mêmes tuk-tuks pour un grand tour de ville, trois soirées de projection, des débats, des tables rondes, lectures de portfolios et, plus que tout, des rencontres.
15 après sa création Photo Phnom Penh est bien vivant et ne demande qu’à se développer, même si la période est troublée et instable.
Christian Caujolle