La Résidence 1+2, le ministère de la Culture, l’ADAGP, le CNRS, Stimultania Pôle de Photographie, la CASDEN et PICTO Fondation s’associent pour présenter les deux premiers lauréats du prix Photographie & Sciences.
Richard Pak, lauréat 2021, poursuit sa série « Les îles du désir », dont les premiers chapitres – « La firme » et « L’archipel du troisième sexe » – ont été réalisés sur l’île Tristan da Cunha (Atlantique sud) et aux Mahu et RaeRae (Polynésie). «L’île naufragée» raconte les paysages ravagés de Nauru (Micronésie), état insulaire le moins visité au monde, dévasté par une extraction abusive de phosphate.
Manon Lanjouère, lauréate 2022, a passé un mois à bord de la goélette scientifique Tara entre Salvador et Rio de Janeiro pour observer les recherches sur les microbiomes. Elle poursuit son projet intitulé « Les Particules » à la Station Biologique de Roscoff. Ce projet met en lumière la pollution plastique de l’océan et son impact sur les microorganismes.
Les deux lauréats ont produit des œuvres sublimes et déconcertantes, devant lesquelles le regardeur passe de l’émerveillement à la sidération.
LAURÉAT 2021 : RICHARD PAK
Richard Pak est un auteur pluridisciplinaire né en France en 1972. Son œuvre protéiforme et en constante évolution refuse obstinément la catégorisation. Photographie documentaire, recherches plastiques, convocation du récit ou de la vidéo : Richard Pak affirme sa liberté d’écriture et nous entraîne rarement là où on l’attend.
Richard Pak est atteint d’une forme avancée « d’islomanie » (terme inventé par Lawrence Durell) et déroule depuis quelques années des recherches artistique sur l’insularité.
Le premier chapitre de ce cycle (Les îles du désir) nous emmène à Tristan da Cunha, en plein Atlantique sud (série La Firme, 2016-2017). Le deuxième opus, L’archipel du troisième sexe, s’intéresse aux Mahu et RaeRae de Polynésie qui transgressent la frontière biologique des sexes depuis des siècles. L’archipel du troisième sexe a été réalisé dans le cadre de la Grande Commande Photographique du ministère de la Culture, pilotée par la BnF.
Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles en Europe. Il a publié deux monographies aux éditions Filigranes et en prépare une troisième avec les éditions Atelier EXB. Ses photographies font partie de collections publiques et privées dont celles de la Bibliothèque nationale de France et de la Collection Neuflize OBC.
L’ÎLE NAUFRAGÉE
Nauru, en Océanie, est passé en moins de vingt ans du pays le plus riche à l’un des plus pauvres au monde. Son histoire pourrait être une fiction littéraire dans laquelle la folie des grandeurs et la cupidité auraient transformé une île paradisiaque en un désastre écologique, économique et social. Sur l’atoll, des colonnes de corail – reliquats d’un siècle d’extraction du phosphate – se dressent à perte de vue. Dans L’île Naufragée, Richard Pak fait subir à ses négatifs un traitement chimique à base d’acide phosphorique (H3PO4) qui altère l’émulsion, n’épargnant que la seule gamme du rouge. Le rendu esthétique nous emporte vers la (science) fiction ou la fable mythologique. Les personnages, des princes et des princesses, des haltérophiles présidents et des reines de beautés sont emportés dans un ballet de balayeuses qui peinent à chasser la poussière de phosphate de la surface de l’île.
LAURÉATE 2022 : MANON LANJOUÈRE
Née en 1993, vit et travaille entre Saint-Malo et Paris. Après un parcours en Histoire de l’Art à la Sorbonne elle décide de se consacrer pleinement à la photographie et intègre l’école des Gobelins en 2014 d’où elle sort diplômée en 2017 dans les majors de sa promotion.
De part son évolution parallèle au sein d’un théâtre parisien, sa pratique de la photographie est marquée par la mise en scène et le décor. Sa pratique de la photographie progresse vers une pratique multiple, mêlant installation, son, objets, textes. La recherche scénographique devient alors une suite logique et intervient très souvent dès le début de son processus créatif. Elle considère du reste le visiteur comme spectateur et tente de l’immerger dans chacun de ses projets. Son travail guidé par la lecture s’attache à dépeindre des mondes fictifs. La distance avec le récit impliquée par l’utilisation des expressions scientifiques, bien qu’il ne s’agisse le plus souvent que de simples vulgarisations ou ré- interprétations, permettent ainsi au spectateur de s’approprier les histoires qu’elle met en scène. Dans les différents sujets qu’elle aborde, la tentative de comprendre l’interaction entre le paysage et l’humain reste central.
Son travail, exposé largement en France et à l’étranger, a été récompensé par plusieurs prix et est présent dans les collections de la MEP (Maison Européenne de la Photographie), du CNAP (Centre National des Arts Plastiques), du Musée de l’Élysée (Lausanne) , du musée Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône), ainsi que dans des collections privées.
Son dernier projet en cours, Les Particules, récit d’anticipation montrant un monde marin fait entièrement de plastique, a été lauréat de la résidence de la fondation Tara océan et résulte d’un mois passé à bord aux côtés de marins et scientifiques.
LES PARTICULES
Les particules se propose de rentrer dans la couche immobile des eaux, de lever le linceul sur les peuples invisibles et de plonger le spectateur dans un abîme de réflexion. Manon Lanjouère invente la composition du monde de demain : les matériaux plastiques, récupérés sur les plages ou dans les poubelles, deviennent la nouvelle forme représentative des microbiomes et planctons. L’emiliania huxleyi devient une agglomération de passoires de douche, le guinardia striata un simple élastique à cheveux, le licmophora un ensemble d’agitateurs de boissons… S’inspirant de l’herbier British Algae d’Anna Atkins, ou encore des sublimes planches d’Ernst Haeckel, ses productions ne sont qu’une tension dialectique entre le sublime et le dérisoire d’une nature abîmée par la main de l’homme. Oscillant entre une posture scientifique, documentaire et plastique, Manon Lanjouère utilise le procédé du cyanotype sur verre et y ajoute de la peinture fluorescente pour rappeler la bioluminescence de certaines espèces de planctons. Le visiteur tombe en plein délire psychédélique : les pièces, colorées à la lumière blanche, s’illuminent au passage de la lumière noire.
STIMULTANIA
Depuis plus de 30 ans, Stimultania Pôle de photographie est au carrefour des interrogations de ce monde. Son objectif : faire découvrir – dans les meilleures conditions – des œuvres photographiques et donner au regardeur la possibilité de vivre des expériences individuelles et d’exprimer des critiques.