Tom Wood : à l’affut du paysage
Après 30 ans passés à documenter l’Angleterre urbaine de Liverpool et du Merseyside, le maitre de la photographie d’outre-Manche se tourne vers le temps suspendu des paysages du Pays de Galles, où il vit désormais. La galerie Sit Down présente jusqu’au 20 décembre 2015 quelques images de sa série “Cynefin“ : “ce lieu familier“.
Comme le battement d’un oeil, Tom Wood ne s’arrête jamais de photographier. Ce jour-là, vous ne le connaissez pas, vous ne l’avez pas encore remarqué qu’il vous photographie déjà depuis un moment, avec ceux qui vous entourent. Lorsque, entre deux grappes d’images qu’il saisit sans en avoir l’air – le bras en l’air, l’oeil vérifiant rapidement l’écran – vous surprenez son regard, il bredouille quelques mots et vous fixe en souriant. Comme si ce sourire énigmatique, mi-poli miespiègle, était la meilleure réponse à la question “pourquoi photographier ?“
Se fondre dans son environnement pour mieux le capter. Le principe est celui de la street photography. Aller chercher, si possible tout près, à ordonner dans le cadre ce que le hasard vous met sous le nez. Chez Tom Wood, à la différence d’autres, l’approche ne s’embarrasse pas d’économie de déclenchement : la bonne image surgit du multiple. Pas seulement pour pallier les aléas mais aussi pour s’oublier soi-même : “La seule manière de prendre de bonnes photos, dit-il, c’est de perdre conscience de ce que l’on fait, de s’oublier“
Cette soif d’images, New Brighton et le Merseyside (Liverpool) s’en souviennent tant, à partir de 1978, Tom Wood en a arpenté les rues, épuisé les lignes de bus ou fermé les pubs les samedi soirs, en quête de la moindre étrangeté. En noir et blanc, mais aussi en couleur dont il s’avère très tôt, comme Martin Paar, l’un des plus fervents convertis.
Il amasse de cette observation assidue un impressionnant corpus de scènes de genres du monde contemporain, de natures mortes ou de personnages isolés dans leur intimité sur fond de jungle urbaine de l’Angleterre thatchérienne, puis fin de siècle. Il gagne un surnom, forgé auprès des gosses de la rue : “Photieman“. Le type à l’appareil.
En déménageant en 2003 dans le verdoyant Pays de Galles, il voulait changer d’air, fuir l’âpreté de la ville et se poser la “question du paysage“. Dans cette région isolée, située à une heure de route de Liverpool, faute de permis de conduire, c’est à pied, à vélo ou grâce aux rares bus qu’il part chaque jour explorer la campagne, posant son trépied parmi les événements de la vie agricole, les bâtiments à l’oubli, les paysages nus.
Il livre de ce pays un portrait noueux où, en dehors de rares groupes de touristes croisés au détour d’un panorama, les hommes ont presque disparu ; où les bêtes s’épanouissent dans le bocage. Le photographe semble à l’aise, comme l’indique le titre qu’il choisit pour cette série : “Cynefin“, une expression galloise qui renvoie à la familiarité que l’on éprouve face à un endroit, l’évidence de se retrouver en territoire ami.
Cet environnement suscite un formalisme inédit, obtenu à l’aide d’un vieil appareil panoramique argentique “Noblex“ qu’il utilisait jusqu’alors occasionnellement. Le paysage se tord, s’étire. Les arbres majestueux y déploient leurs branches interminables sous lesquelles, comme des vestiges archéologiques, dorment des engins agricoles, les intérieurs des fermes semblent de guingois. Seuls les moutons paraissent indifférents. Parfois, sous l’effet de quelque illusion d’optique offerte par le paysage, l’espace semble se resserrer à la manière d’un objectif “fisheye“. L’oeil du photographe.
Comme pour rappeler que quelque soit l’environnement où ils évoluent, Tom Wood et sa curiosité restent à l’affut.
Amaury Chardeau
Parallèlement, découvrez au Centre Culturel Irlandais une rétrospective de l’oeuvre de Tom Wood en Irlande, réalisée entre 1973 et 2003 (5, rue des Irlandais – 75005 Paris)
Paysages intimes de Tom Wood du 13 novembre 2015 au 10 janvier 2016
Vernissage jeudi 12 novembre 2015 de 18h à 21h
La série “Men and Women“ sera présentée dans le cadre de la foire What’s up Photo Doc du 12 au 15 novembre 2015 à la Bellevilloise à Paris.
INFORMATIONS PRATIQUES
Cynefin, les paysages gallois de Tom Wood
Galerie SIT DOWN
Exposition du 10 novembre au 20 décembre 2015
Vernissage mardi 10 novembre de 18h à 21h
du mardi au samedi de 14h à 19h et sur R.V.
4, rue Sainte Anastase – 75003 Paris
Tél : +33 (0)1 42 78 08 07
e-mail : info@sitdown.fr – www.sitdown.fr
Paysages intimes, Tom Wood
Centre culturel Irlandais
Exposition du 13 novembre 2015 au 10 janvier 2016
5, rue des Irlandais – 75005 Paris
Tél : +33 1 58 52 10 30
http://www.centreculturelirlandais.com/