« Je suis plutôt un voyageur qui, parfois, fait des images… un guetteur qui s’assigne certains territoires et les arpente pour alarmer ses semblables ou leur proposer quelques songes ou questionnements fertiles. » Alain Willaume
Alain Willaume puise dans l’ensemble de son œuvre énigmatique pour créer une déambulation crépusculaire inspirée par l’atmosphère de la Villa Pérochon. Il propose et tisse dans la pénombre et grâce aux espaces labyrinthiques de la Villa une nouvelle lecture de son œuvre polymorphe. Au premier niveau, de vastes territoires gris hantés par l’inquiétude d’un monde où quelques humains demeurent encore, oscillant entre menace et recueillement. L’étage supérieur, lui, se vit comme un refuge feutré peuplé d’ombres mélancoliques, de craquements et de rêves insomniaques. Farouche expérimentateur de formes, il développe, à l’écart des courants, une œuvre faite d’images énigmatiques qui, toutes, racontent la tension et la vulnérabilité du monde et des humains.
Depuis de nombreuses années, les relations complexes et conflictuelles que l’homme entretient avec son environnement sous-tendent le travail d’Alain Willaume. En écho à la confusion devenue universelle, poussières, doutes ou « écrans de fumée » font souvent office de métaphores visuelles dans l’œuvre du photographe. Ses images semblent surgir des brouillages du temps et de l’espace et témoignent de son attirance pour cette zone grise propice au questionnement qui n’entrave pas la connaissance mais au contraire l’élargit. Paradoxal, inclassable, multiple, son travail donne une forme à la tension et à l’instabilité environnantes et alerte sur la condition des paysages, à la fois puissants et en sursis, ainsi que sur le comportement de l’homme, aussi menaçant que vulnérable.
S’adossant dubitativement au réel et loin de toute notion documentaire, l’œuvre d’Alain Willaume, farouche, semée d’accidents, de doute et de nécessité progresse par énigmes. Ses images intranquilles dessinent une cartographie personnelle et contemporaine de l’état du monde.
Willaume chemine à la jonction de la révélation et du néant, du visible et du trou noir. Son imaginaire étend le territoire de ce que signifie le « documentaire » : une leçon d’honnêteté qui nous invite à la vigilance et nous raconte, dans un dépouillement inquiet tendant à l’essentiel, le harassement et la fragilité des humains et de la planète Terre.
Photographies, vidéo et scénographie : Alain Willaume
Musiques : Philippe Poirier
Textes : Gérard Haller, David Chandler, Wajdi Mouawad, Henri Michaux