COMMANDE PHOTOGRAPHIQUE 2016 > 2017
L’association l’art à l’ouest avec le soutien financier de la société Abri services (affichage et mobilier urbain) donne carte blanche à quatre photographes sur le sujet du voyage ordinaire dans le monde. Denis Dailleux au Caire (Egypte) – Ambroise Tézenas à Bangalore/Bombay (Inde) – Charles Fréger à New Delhi(Inde) – Jérôme Blin à Saint-Nazaire (France).
Quatre visions singulières posées sur ces voyageurs du quotidien qui empruntent car, bus, auto,vélo, rickshaw… pour se rendre au travail, au lycée, faire ses courses…
Un texte de l’écrivain Christian Garcin “D’un point l’autre” fait écho au voyage ordinaire.
SCHOOL CHALO
NEW DELHI (INDE)
Réalisé en août 2016, le projet “School Chalo” prend place à New Delhi, dans le quartier central de Chandni Chowk, aux abords de douze écoles. Le photographe embrasse ici au sein du même cadre la dimension collective, réalisant non plus des portraits individuels mais de groupes. Des enfants en plus ou moins grand nombre, un adulte et un rickshaw, une bicyclette ou une moto : voici les équipages photographiés, suivant ce même protocole de prises de vues adopté quelque vingt années auparavant. Soit une manière posée et théâtralisée, soignant les attitudes autant que le choix de l’environnement. D’une image à l’autre, d’un rickshaw à son acolyte peint aux couleurs d’une autre école, d’un conducteur à l’autre, de turbans en tuniques, on devine castes et appartenances religieuses. A côté ou à bord de leur véhicule, ces figures forment un instantané de la société contemporaine de New Delhi.
TUK-TUK
LE CAIRE (EGYPTE)
Quand je suis arrivé au Caire pour la première fois en 1992, il n’y avait pas de tuk-tuk et la ville était moins tentaculaire, plus paisible. Bon marché et rapide, le tuk-tuk permet d’atteindre des endroits difficilement accessibles aux voitures. Il offre une certaine liberté aux femmes qui peuvent furtivement quitter leur lieu de vie enclavé sans être vues de leur entourage. Malheureusement, la popularité de ce véhicule à trois roues originaire de Thaïlande est mise à mal par le gouvernement, soutenu par l’armée, et certains ministres affirment même que les tuk-tuk sont utilisés par des criminels pour prendre la fuite…
Souvent cette série de portraits au tuk-tuk fut un prétexte pour montrer la banlieue du Caire ens installés dans les barres d’immeubles sans âme, au milieu de la poussière. L’anachronisme du fellah en galabeya qui se promène au milieu de ces cites-dortoirs encerclant la ville ne cesse de me surprendre.
ROUTES
BANGALORE-BOMBAY (INDE)
Quand Dominique Gellé m’a proposé de participer à son “Voyage Ordinaire”, j’ai immédiatement compris que m’était offerte l’opportunité de goûter à nouveau à l’errance, cette démarche de création où l’on photographie selon son inspiration en se laissant porter par les hasards du voyage, la route que l’on parcourt.
J’ai pris l’avion pour Bombay. J’ai des souvenirs de trajets en bus interminables en Inde, de voyages somnolents à l’arrière d’une Tata Ambassador. Mais j’avais toujours rêvé de traverser le pays en étant moi-même au volant pour vivre pleinement le chaos de la route indienne. Depuis Paris, j’ai eu du mal à réserver une voiture de location sans que l’on m’impose un chauffeur. Je voulais profiter de la solitude heureuse du voyageur qu’évoque Raymond Depardon. Etre totalement maître de son parcours, s’égarer, s’arrêter quand on le souhaite, perdre du temps… Arrivé de nuit, après avoir récupéré mon véhicule dans la banlieue de la ville, j’ai commencé à rouler vers le sud. A trois heures du matin, je me suis arrêté boire un chai dans un de ces dhabas ouverts toute la nuit pour faire une première photographie et savourer ces moments où, loin de tout, on cherche finalement plus sa propre trace qu’autre chose.
ALLER-RETOUR
SAINT-NAZAIRE (FRANCE)
Avec le projet “Voyage Ordinaire”, Saint-Nazaire est devenue pour moi un nouveau décor à photographier, celui d’un ville qui a une histoire commune avec le monde ouvrier à travers son port, ses industries, ses employés et leurs horaires décalés. Pour cette carte blanche, je me suis mis à la place de quelqu’un qui se rend au travail la nuit, encore engourdi de sommeil, et qui effectue presque automatiquement ce trajet quotidien. J’ai donc regardé d’une autre manière les paysages traversés, qui nous deviennent tellement familiers qu’on les oublie parfois. J’ai tenté de retranscrire cet état de semi-conscience entre la veille et le sommeil, lorsqu’on somnole et qu’on ne sait pas ce qui est réel. Mes photographies ont une tonalité mystérieuse, ells sont parfois énigmatiques et parlent de solitude. Les personnages mais aussi les paysages peuvent évoquer une certaine inquiétude. Cette série n’est pas narrative, elle est suggestive, les images sont reliées par une atmosphère commune, on glisse de l’une à l’autre sans nécessairement connaître l’intervalle qui les sépare. J’ai voulu créer une ambiance cinématographique et faire un pas de côté par rapport à une photographie documentaire. J’avais aussi l’envie de rendre moins ordinaires ces trajets quotidiens. La notion de “géographie “mentale” * semble appropiée à ce travail. J’utilise des lieux qui deviennent décors, des personnages qui deviennent acteurs, afin de créer une nouvelle histoire qui m’appartienne, plus qu’aux gens photographiés.
A partir du réel, un nouvel espace mental se construit.
D’UN POINT L’AUTRE
DARJEELING – JAIPUR (INDE)
Christian Garcin, conscient que le texte est image comme l’image est texte a choisi de ne pas se livrer à un commentaire illustratif des photographies, mais plutôt de convoquer un souvenir personnel en écho aux fils narratifs qui tissent entre elles les images de ce livre.